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Le mieux est de renoncer de nous-mêmes à des secrets imaginaires. Notre véritable but est exprimé en termes magnifiques au préambule de notre Constitution ; nos principes y sont clairement formulés. Nous nous ferons honneur d’y être fidèles ; et pour en assurer le triomphe, nous n’avons pas besoin de Rites surannés empruntés aux fables hébraïques et égyptiennes.

On parle de la nécessité de conserver des relations d’amitié avec les Puissances Maçonniques étrangères. Mais il n’y a pas besoin, pour maintenir ces liens de confraternité, de rester attachés à un Rituel. Quand l’un de nous est admis dans un Atelier étranger, on ne lui demande pas si, lors de sa réception, il a été fait usage de tel ou tel cérémonial. Il suffit qu’il connaisse les formalités généralement observées.

Le Frère Morin conclut à ce que l’Atelier se prononce pour la suppression des Rites, suppression qui, en fait, a lieu déjà dans un grand nombre de Loges.

La parole est enfin donnée au Frère Gonnard, qui résume les débats avec une justesse d’appréciation remarquable, et en s’exprimant avec l’éloquence qui lui est propre.

La manière de voir du Frère Morin lui parait fort naturelle de la part d’un esprit critique et scientifique ; mais, si les conclusions de ce Frère sont fort claires et logiques en théorie, il ne faut pas se dissimuler que leur application pratique équivaudrait pour le présent à la suppression de la Maçonnerie.

En sa qualité de Membre du Suprême Conseil du Rite Écossais, le Frère Gonnard croit devoir s’abstenir de donner des conseils au Grand Orient de France, qui reste libre, sous sa propre responsabilité, de restreindre plus ou moins son symbolisme, il ne peut donc pas entrer dans l’examen spécial des nouveaux Rituels, et s’en tiendra à la question prise dans son sens général, lequel intéresse la Maçonnerie tout entière.

Le Frère Gonnard en arrive donc au symbolisme. Peu lui importe qu’il tire son origine de l’Occultisme ou d’autre part. La valeur intrinsèque du Symbolisme est chose assez secondaire au fond, puisque personne ne le prend aujourd’hui au sérieux. Il convient donc de n’examiner le Symbolisme qu’au point de vue de son utilité effective ; et, sur ce terrain essentiellement positif, nous sommes forcés de reconnaître que sans le Symbolisme la Maçonnerie disparaît fatalement. Il est pour elle une cuirasse dont il serait bien imprudent de se défaire parce qu’on croit découvrir quelques impuretés dans l’alliage qui la compose. La sécurité dont nous jouissons en ce moment pourrait être de courte durée. Après un moment de soleil, les jours sombres peuvent revenir pour notre Institution, et alors on s’estimera heureux d’avoir conservé les armes défensives propres à nous couvrir contre l’attaque. Que le Symbolisme soit donc démodé, ridicule, gênant, disparate et obscur, tant que l’on voudra : du moment qu’il nous protège et nous sauvegarde, il faut le conserver.

D’un autre côté, le Frère Gonnard constate que le Symbolisme dans sa puérilité est nécessaire pour beaucoup de contemporains. Il voit dans les Formules et les Symboles un moyen d’enseignement susceptible de provoquer une illumination graduelle chez les intelligences qui ne parviennent pas