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essentiels pour conserver l’Institution de la Maçonnerie. Ce sont des emblèmes dont le sens a une haute portée. Les voiles dont sont enveloppées les vérités, servent à augmenter le respect qui y est attaché. De même, dans la vie ordinaire, on se sert de figures, et le langage poétique est plein d’allégories, sans que personne y trouve à redire. Il serait fâcheux que l’on restât toujours dans le prosaïsme vulgaire : Sursum corda !

Les Rites Maçonniques se rattachent aux traditions les plus anciennes de l’humanité. La Maçonnerie a été fondée par Moïse au sortir de l’Égypte. Plusieurs de ses Rites servent à retracer l’histoire des Israélites. Ainsi, les deux colonnes de chaque temple portent les initiales J∴ B∴ : c’étaient les noms des deux principales colonnes du Temple de Salomon. L’une d’elles portait le nom d’une étrangère que ce Monarque avait épousée : et l’on y trouve ainsi expliquée la légitimité des alliances entre les diverses races. Il est à regretter que beaucoup de Francs-Maçons ignorent la signification des Rites et ne cherchent même pas à s’en instruire. On devra perfectionner leur instruction.

Le Rituel et les mystères ont été très utiles aux époques où la liberté d’association n’existait pas. Alors, la Maçonnerie, étant une société secrète, était obligée de prendre beaucoup de précautions pour échapper aux recherches de la police ; et le Rituel servait à cacher le véritable but de l’Ordre. Nous vivons maintenant, du moins en France, sous un régime de liberté. Mais le hasard des événements peut ramener un régime despotique et vexatoire, et alors la Maçonnerie serait obligée, comme autrefois, de se prémunir contre les persécutions.

Si l’on supprimait toute espèce de Rituels, la Maçonnerie ne serait plus qu’un Club, et elle s’éloignerait de sa mission, qui est de travailler au Progrès de l’humanité.

Le Frère A.-S. Morin commence par rendre hommage au travail consciencieux du Frère Wirth, qui, par ses recherches érudites, a élucidé des questions historiques. Mais, quelque ingénieux que soient ses rapprochements entre l’ancienne magie et la Maçonnerie, il n’a pu réussir à établir entre elles une parenté. Du reste, puisqu’il abandonne la magie, qu’il regarde avec raison comme un tissu de rêveries et de chimères, il n’y a pas à regretter, pour la Maçonnerie, la renonciation à une filiation aussi peu flatteuse.

En général, dit le Frère Morin, c’est un système détestable que celui qui consiste à voiler la vérité sous des symboles plus ou moins obscurs, au lieu de la formuler clairement et sans ambages. Les anciens Hiérophantes, en recourant au Symbolisme pour exprimer leurs doctrines, ont eu probablement pour but d’inspirer aux populations une profonde vénération. Peu à peu, le sens des allégories s’est perdu, ou du moins n’a été conservé que chez de rares initiés. Et la multitude est demeurée attachée aux Rites et Symboles sans en comprendre la signification, par amour du mystère et du merveilleux. Alors, le cérémonial n’a plus été qu’une vaine superstition, n’avant plus de raison d’être, et a mérité le mépris des vrais philosophes.

Gardons-nous de laisser tomber la Maçonnerie dans cet état de fétichisme qui nous exposerait aux railleries méritées du monde profane.

À quoi bon recourir à des figures pour exprimer ce qu’on veut dire ? la franchise ne doit-elle pas être le guide du Franc-Maçon ? Par des Symboles péniblement construits, on exprime d’une manière énigmatique des vérités souvent vulgaires et qui ne gagnent rien à être déguisées.