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Samuel-Constantin de Vidau. Les adversaires du symbolisme étaient représentés par le F∴ André-Saturnin Morin, ancien conseiller municipal de Paris, anticlérical haineux, l’auteur d’un livre odieux dont le titre seul est un blasphème (Jésus réduit à sa juste valeur) et qui laisse bien loin derrière lui, comme impiété, les ouvrages de Strauss et le Renan ; car il outrage le Christ à chaque page, et jusque dans sa Passion. Le F∴ Morin, un des athées du Grand Orient de France, ne croyant ni à Dieu ni à diable, et ne voulant pas entendre parler du grand architecte de l’univers, quelle que pût être la personnalité surnaturelle voilée sous cette vague désignation, était, mieux que personne, l’homme qu’il fallait pour critiquer sans merci le symbolisme, auquel, ainsi que tout imparfait initié, il n’entendait pas un traître mot ; aussi, ses critiques devaient-elles faire sourire en eux-mêmes les vieux maçons de l’auditoire qui connaissaient le secret des secrets. Le F∴ Wirth soutint sa thèse, s’évertuant en des prodiges de style pour ne pas compromettre le secret diabolique, le re-voilant habilement tout en ayant l’air de dire quelque chose, poussant la rouerie jusqu’à feindre d’abandonner la magie « comme un tissu de rêveries et de chimères », cette magie martiniste dont il est, chez les Guaita et Papus, un des adeptes les plus fervents, en un mot, n’oubliant jamais que, parmi l’assistance qui l’écoutait, il y avait des pseudo-initiés devant qui il fallait avant tout ne pas laisser échapper une parole de nature à les mettre sur la voie des arcanes de l’occultisme, tout en faisant pour les autres sa propagande de sataniste. Quant aux partisans déterminés du maintien du symbolisme même pour les maçons qui n’y comprennent goutte et qu’il serait imprudent d’éclairer, ils étaient représentés par le F∴ Armand Lévy, le vieux palladiste juif luciférien, ami intime de Philéas Walder, et par le F∴ Gonnard, une des lumières du Rite Écossais en France, alors Vénérable de la loge les Philanthropes réunis et grand orateur du Suprême Conseil de Paris, aujourd’hui souverain lieutenant commandeur de ce Suprême Conseil.

Voici, du reste, le procès-verbal officiel de cette mémorable séance :


Tenue extraordinaire du 3 avril 1881 (ère vulgaire). L’ordre du jour appelle la discussion sur l’Initiation Adonhiramite et les nouveaux Rituels du Grand Orient de France. Le Frère Oswald Wirrn donne lecture d’un Mémoire dans lequel il s’attache à prouver que le Rituel Maçonnique dérive de celui de l’ancienne magie dont il fait remonter les arcanes à une très haute antiquité. Il en fait ressortir la beauté et la profonde sagesse ; il donne des explications fort ingénieuses de quelques-uns des symboles. Il regrette que, dans la Maçonnerie, on ait perdu la signification de plusieurs des Rites qui sont devenus de vaines formalités, et que, dans un but de réforme, on ait supprimé quelques Rites. Dès qu’on portait la main sur ce cérémonial traditionnel, il aurait mieux valu tout supprimer.

Le Frère Armand Lévy prend la défense des Rites qui, selon lui, sont