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français. Mais, pour ce genre de propagande, le Symbolisme devient inutile ; et c’est ce qu’avaient fort hien compris les Maçons qui fondèrent les clubs célèbres de la Révolution.

En résumé, la Franc-Maçonnerie actuelle se trouve dans une situation essentiellement fausse par suite du désaccord survenu entre son organisation primitive et ses tendances modernes. Elle se voit ainsi amenée à se scinder en deux associations indépendantes l’une de l’autre, lesquelles se partageront la mission dévolue à notre Ordre. Le club politique agira sur les masses et s’organisera en conséquence. Quant à la société initiatique, elle cherchera à attirer dans son sein des hommes quai, au point de vue moral et intellectuel, formeront réellement l’élite de l’humanité. Ce n’est qu’à cette condition que son existence se justifie et qu’elle peut se flatter d’exercer une salutaire et légitime influence sur la marche des idées et par elles sur les destinées du genre humain tout entier.

Le caractère propre et les attributions respectives des deux sociétés dont il vient d’être parlé, étant désormais nettement définis, chacun y trouverait son compte, et bien des difficultés se trouveraient résolues.

Le nouvel initié qui considérait la Franc-Maçonnerie comme le représentant moderne des mystères de l’Antiquité, ne serait plus douloureusement désillusionné en constatant que la lumière Maçonnique qu’il regardait comme une vérité supérieure gardée en dépôt par notre Institution, ne consiste en réalité qu’en mots de passe, signes de reconnaissance, etc. Des maîtres vénérables lui enseigneraient l’art de déchiffrer les mystérieux hiéroglyphes du Temple qui voilent si bien aux yeux du profane indigne de les connaître les secrets les plus profonds de la nature.

D’un autre côté, nous ne verrions plus des hommes qui se disent sérieux se livrer à une foule de pratiques plus ou moins baroques, mais dont ils ignorent absolument la signification. Cela est d’autant plus grotesque, que le plus souvent les idées de ces hommes sont en contradiction flagrante avec celles que représentent les susdites pratiques. On est dès lors tenté de comparer plus d’un Maçon au prêtre catholique qui persisterait à vouloir dire sa messe avec accompagnement de force simagrées mystiques, tout en refusant catégoriquement d’admettre l’enseignement de son Église.

Il faut à tout prix, mes Frères, sortir de cette humiliante situation qui paralyse nos efforts dans un sens comme dans l’autre. Voyons clair dans notre affaire ; sachons ce que nous faisons, afin de nous dégager une bonne fois du gâchis au milieu duquel nous pataugeons depuis si longtemps. Craignons surtout de nous laisser mener en aveugles par des individus qui ne tarderaient pas à profiter de notre état de désarroi pour pêcher tout à leur aise, dans une eau qu’ils ne chercheraient qu’à troubler de plus en plus au profit d’ambitions malsaines ou d’intérêts particuliers.

En terminant, je fais un nouvel appel à tous les Frères qui s’intéressent sincèrement aux choses de la Franc-Maçonnerie pour les prier de vouloir bien nous exposer leurs idées sur le sujet qui nous occupe. — Pour faciliter cet échange de vues, si fécond en résultats utiles, j’ai la faveur de proposer à la Respectable Loge de porter à l’ordre de ses travaux l’étude approfondie des questions qui viennent d’être simplement soulevées et d’organiser dans ce but une série d’entretiens familiers où chacun serait appelé à apporter le concours de ses lumières.