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des Maçons d’aujourd’hui ; ce qui fait qu’ils ont totalement perdu la clef de l’interprétation philosophique du Symbolisme maçonnique qui n’est plus pour eux que le souvenir d’un passé disparu.

Souvenir respectable pour les uns, en tant que tradition intéressante à transmettre aux générations futures ; mais pour les autres, vieillerie gênante et encombrante, bonne tout au plus à captiver l’intelligence naïve de nos pères, mais certainement indigne de l’esprit émancipé de l’époque actuelle.

Il résulte de là un double courant qui divise les forces maçonniques en deux camps distincts.

D’un côté, les partisans du maintien et de l’étude du Symbolisme aimeraient le voir pris au sérieux ; car ils entrevoient en lui un monument sacré, véritable temple de la sagesse, dont les emblèmes multiples forment ce livre mystérieux qui renferme dans son ésotérisme, c’est-à-dire son sens caché et connu des seuls Initiés, la solution des deux redoutables problèmes des temps modernes. Je veux parler de la question sociale et de la question religieuse. Ce sont là, mes Frères, deux sphinx terribles, qui menacent de dévorer notre époque, si quelque nouvel Œdipe ne parvient à trouver le mot de l’énigme fatale. Ils se dressent à l’entrée du sanctuaire, au pied des Colonnes Symboliques, comme pour avertir le véritable Initié que l’une de ces questions ne peut se résoudre sans l’autre, mais que sur leur solution commune s’édifiera l’ordre social de l’avenir.

Les Maçons qui s’engageront dans cette voie, seront tous des philosophes, et ils se maintiendront de préférence dans le domaine de l’idée. Ils pourront rétablir ce qu’on appellera l’Initiation Occidentale en groupant en un seul faisceau solide une foule de forces actuellement éparpillées dans divers cénacles et associations qui manquent de cohésion[1], faute précisément d’un Symbolisme leur servant de base en remplissant dans leur organisation les fonctions de squelette dans l’organisme animal.

Mais à côté de cette Maçonnerie essentiellement philosophique et spéculative en surgira une autre qui sera avant tout agissante. Ce sera la Maçonnerie politique. Ses partisans s’empresseront de supprimer radicalement toute espèce de forme symbolique, et, s’ils veulent être logiques jusqu’au bout, ils renonceront aussi à leur titre de Maçons ; car, en fait, ce ne sera plus de la Maçonnerie qu’ils feront, mais bien du pur et simple jacobinisme.

Une nation, dont la souveraineté réside dans le suffrage universel, ne peut, du reste, se passer d’une organisation dans le genre des anciens clubs révolutionnaires Avec le régime politique qui nous régit, les masses populaires, encore peu instruites, se trouvent tout à coup investies d’une puissance souveraine qu’exerce réellement celui qui sait s’emparer de leur esprit. Certaines sectes religieuses cherchent dès lors à accaparer la toute-puissance, grâce à l’influence qu’elles exercèrent si longtemps sur une grande partie du peuple. La nation risquerait donc de retomber sous le joug clérical, s’il ne se formait pas une association puissante dans le but d’éclairer les masses populaires et de les soustraire ainsi à l’influence néfaste de l’obscurantisme.

C’est là l’unique rôle qu’assigne à notre Ordre la majorité des Francs-Maçons

  1. C’est aux sociétés satanistes que le F∴ Oswald Wirth fait allusion, à ces sociétés que ses amis Papus et de Guaita s’efforçaient et s’efforcent encore de grouper, pour former un faisceau d’occultistes qui serait le rival du Palladisme.