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que, par suite de la faiblesse humaine, la réalité matérielle devient le contraire absolu de l’idéal primitivement conçu. C’est alors le cas de dire que les meilleures choses, en se corrompant, deviennent les pires.

Pour nous en tenir à ce que nous avons appelé la Maçonnerie réelle, nous nous verrons forcés de reconnaître qu’en définitive la Franc-Maçonnerie est une Société d’hommes admis, au moyen de certaines cérémonies, à prendre part à des réunions périodiques, dans lesquelles se discutent les questions les plus variées. Ajoutons que les membres de cette Société se donnent le nom de Frères, pratiquent la solidarité par des œuvres de bienfaisance, et nous aurons esquissé l’ensemble de ce qui constitue notre Institution.

En examinant la question de plus près, nous constaterons que notre Ordre professe certains principes dont il se glorifie et qu’il cherche à répandre par tous les moyens en son pouvoir. Ces principes tendent à provoquer l’union des hommes en vue de la paix, de la concorde et de l’harmonie universelle : ils se résument dans la philanthropie, l’esprit de tolérance, l’amour du progrès, etc. Nous n’avons pas à les examiner ici, attendu qu’ils sont bien connus de tous, et du reste bien au-dessus de toute discussion.

Nous pourrions nous étendre davantage sur les tendances particulières à notre Ordre ; mais nous préférons arriver de suite à ce qu’on appelle le Symbolisme maçonnique. Nous aurons ainsi l’avantage de nous trouver en pleine actualité ; car vous savez, mes Frères, que la question est à l’ordre du jour.

On entend par Symbolisme un ensemble de signes, d’emblèmes et de cérémonies renfermant une signification dont la connaissance est révélée par l’initiation. Le Symbolisme ainsi compris est l’image sensible, la forme réalisée d’une pensée abstraite ; il représente les idées absolument comme l’écriture, et c’est même le premier moyen qu’employèrent les hommes pour perpétuer parmi eux les vérités qu’ils jugèrent utiles à transmettre à leurs descendants. Le Symbolisme présente même sous ce rapport des avantages considérables sur l’écriture ordinaire ; car, tandis que celle-ci est sujette à donner naissance à l’intolérance dogmatique, le Symbolisme laisse au contraire toute indépendance à l’esprit humain en se prêtant à la libre interprétation de chacun.

Ces qualités inhérentes au Symbolisme font comprendre toute l’importance de son rôle comme moyen de ralliement pour une Société qui a la prétention d’être universelle et d’embrasser dans son sein les hommes de la plus haute culture morale et intellectuelle répandus sur toute la surface du globe, sans s’arrêter à aucune considération de race, de nationalité, de croyance religieuse ou d’opinion politique. La Franc-Maçonnerie, en effet, n’exige du néophyte que deux qualités indispensables : être libre des préjugés du vulgaire, et de bonnes mœurs, c’est-à-dire de bonne foi et sincèrement dévoué au bien de ses semblables.

On voit que l’essence du Symbolisme est d’unir les hommes en évitant tout ce qui pourrait les diviser. Pour atteindre ce but, le Symbolisme doit nécessairement se renfermer dans des données assez vagues ; mais ce qu’il perd en netteté, il le gagne en profondeur. De là ce caractère d’infinité qui éblouit le chercheur persévérant. Car l’enseignement que renferme le Symbolisme ne s’offre pas de lui-même : il faut le chercher, et ce n’est que par un effort intelligent que l’on parvient à rompre l’écorce parfois rude qui cache le fruit savoureux.

Cet effort indispensable a malheureusement paru trop pénible à la majorité