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   L’a-t-on gravé sur la pierre ou l’écorce ?
   Qui le maintient ? là justice ou la force ?
      De droit, de fait, il est prescrit.
J’en atteste les temps, j’en appelle à tout âge :
      Jamais au public avantage
L’homme n’a franchement sacrifié ses droits.
S’il osait de son cœur n’écouter que la voix,
      Changeant tout à coup de langage,
   Il nous dirait, comme l’hôte des bois :
« La Nature n’a fait ni serviteurs ni maitres ;
« Je ne veux ni donner ni recevoir de lois. »
Et ses mains ourdiraient les entrailles des prêtres,
À défaut de cordons, pour étrangler les rois !


Oui, le Diderot de la Révolution, c’est le Diderot des Eleuthéromanes, c’est l’auteur de cette abominable poésie. Les anarchistes ne s’y trompent pas ; en lui, ils honorent le philosophe qui a enseigné que les rois doivent être étranglés avec les boyaux des prêtres. Seulement, eux, les anarchistes, ils savent, mieux que la plupart des francs-maçons, quel est le sens de la statue de Diderot, placée comme elle est au boulevard Saint-Germain.

En effet, ne croyez pas que ce soit par un pur hasard qu’elle a été érigée là, presque à l’angle de la rue de Rennes, à quelques pas de l’église Saint-Germain-des-Prés. C’est un ministère de francs-maçons qui avait le pouvoir à l’époque où le monument Diderot fut élevé. Eh bien, examinez l’attitude du philosophe coulé en bronze, suivez la direction de son regard, constatez ce que montre son doigt tendu. Diderot, assis dans un fauteuil, le corps légèrement penché en avant, la physionomie éclairée d’un regard de sombre haine, semble murmurer des paroles de menace, et son doigt montre l’église. Quelle église ? L’antique Abbaye, où tant de prêtres furent égorgés, lors des affreux massacres de septembre. Il n’y a pas d’erreur, soyez-en certain. Le Diderot glorifié par le gouvernement maçonnique de 1884, c’est l’atroce franc-maçon dont se sont inspirés les septembriseurs. Il est là, sur son piédestal, redisant ses deux horribles vers.

Autre précurseur : Babeuf, également franc-maçon.

On connaît sa conspiration sous le Directoire ; mais il est bon de rappeler les principes généraux que les babouvistes entendaient appliquer :

« La Nature a donné à chaque homme un droit égal à la jouissance de tous les biens. — Le but de la société est de défendre cette égalité, souvent attaquée par le fort et le méchant dans l’état de nature, et d’augmenter, par le concours de tous, les jouissances communes. — La Nature a imposé à chacun l’obligation de travailler ; nul n’a pu, sans crime, se soustraire à cette obligation. — Les jouissances et les travaux doivent être communs. — Il y a oppression quand l’un s’épuise par le travail et manque de tout, tandis