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maladie ou de la passion, l’image cérébrale s’objective au dehors et produit intérieurement une perception que le moi attribue à un objet extérieur. Tout y est : le caractère essentiel du fait, l’extériorisation ou sensibilisation de l’idée ; la cause prochaine de ce fait, une stimulation ou excitation plus forte du système nerveux et sanguin sous l’influence d’une cause morale ou physique ; la façon même dont s’opère ce phénomène, les fibres intérieures du cerveau, les centres de la courbe optique, comme on dit aujourd’hui, mises en action avec autant de force que par les objets extérieurs dans le phénomène de la perception externe. Nous verrons plus loin que tous les systèmes inventés par la physiologie moderne ne sont pas allés au-delà de cette explication.

Nous n’avons qu’à étendre aux hallucinations des autres sens ce que Malebranche dit de celles de la vue. Tous nos sens, en effet, sont susceptibles d’hallucinations ; mais on comprendra facilement que ceux de nos sens qui nous apportent le plus grand nombre de perceptions et les plus instructives seront les sources les plus fécondes d’hallucinations ; tels, les sens de la vue et de l’ouïe. Sur vingt hallucinés, dix-neuf verront des apparitions ou entendront des voix.

Ce phénomène de l’hallucination qui consiste proprement à croire voir ce que nous ne voyons pas réellement, entendre ce que nous n’entendons pas, toucher ce que nous ne touchons pas, si nous l’envisageons d’un peu près, surtout si nous le rapprochons des opérations si mystérieuses des facultés intellectuelles qui concourent à la formation de nos idées sensibles, perdra à nos yeux quelque chose de son étrange, tout en gardant encore assez de mystère pour nous rendre circonspects dans nos recherches et pour défier toutes les explications de la science.

N’y a-t-il pas en effet dans le jeu naturel de la mémoire et de l’imagination comme un commencement, un prélude, une ébauche d’hallucination ? Dès que nous sortons du domaine de la perception, qui implique toujours la présence actuelle d’un corps placé de manière à impressionner nos sens extérieurs, nous entrons dans celui de la mémoire et de l’imagination.

Or, qu’est-ce que la mémoire, sinon une faculté qui, à l’inverse de la perception, en se rappelant les perceptions passées, ne croit plus à l’existence actuelle des objets qui les ont occasionnées, mais seulement à leur existence passée et se retrace d’une manière fidèle les images de ces objets sans l’intervention de leur présence actuelle ?

Qu’est-ce à son tour que l’imagination, cette faculté qu’on a appelée à si juste titre la folle du logis ? Si elle se rapproche de la mémoire, en ce que l’âme s’y représente des idées sensibles dont les causes existantes ont existé antérieurement, elle en diffère essentiellement en ce qu’elle n’attache à ces causes aucune réalité soit présente, soit passée, mais qu’elle en dispose et