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D’autre part, nul de mes lecteurs ne l’ignore, les adversaires de l’Église, pour nier le surnaturel divin, s’établissent, comme dans un fort retranché et imprenable, dans ce système qui consiste à traiter de « pures hallucinations » tout ce qui dépasse la portée de leurs courtes expériences ; il est donc utile de les débusquer de cette position, en les suivant sur ce terrain même de l’hallucination, et en montrant quelle différence essentielle existe entre les phénomènes qui peuvent s’expliquer scientifiquement par cette cause naturelle et ceux qui ne peuvent trouver d’explication que dans l’intervention d’une cause surnaturelle, divine ou diabolique.


Et d’abord, que faut-il entendre par hallucination ? Quelles sont ses causes ? dans quelles conditions se produit-elle ? À quelle sorte de faits et de phénomènes ce mot peut-il s’étendre ? Quelle est la valeur du système qui prétend expliquer par des hallucinations naturelles tout le surnaturel historique ?

Voilà les questions auxquelles j’ai à répondre en premier lieu.

Je prie le lecteur de vouloir bien se reporter un instant à ce que j’ai dit précédemment (voir pages 635 et suivantes) du fonctionnement du système nerveux cérébro-spinal, et de se remettre en mémoire par quelle suite d’opérations de l’âme la sensation se transforme en idée, quelle liaison intime il y a entre l’image et l’idée, quel rôle jouent l’imagination et le souvenir dans notre vie intellectuelle, enfin par quelle aberration d’esprit nos pseudo-savants matérialistes ne veulent voir, dans tous ces phénomènes essentiellement spirituels et du domaine de l’âme, que le résultat de mouvements et de sécrétions purement physiques.

Ces considérations nous ont servi à comprendre l’hystérie, la folie et la possession ; elles nous aideront aussi à entrer plus profondément dans la nature de ce phénomène étrange et merveilleux sous bien des rapports, qui confine souvent à la folie : l’hallucination.

On fait à Esquirol l’honneur d’avoir le premier donné une définition scientifique de l’hallucination. Il me semble que le père Malebranche en a donné avant lui une idée assez juste et assez précise, quand il a écrit dans sa Recherche de la vérité :

« Il arrive quelquefois dans les personnes qui ont les esprits animaux (en langage moderne : l’influx nerveux) fort agités par des jeûnes, par des veilles, par quelque fièvre chaude ou par quelque passion violente, que ces esprits remuent les fibres intérieures du cerveau avec autant de force que les objets extérieurs, de sorte que ces personnes sentent ce qu’elles ne devraient qu’imaginer, et croient voir devant leurs yeux des objets qui ne sont que dans leur imagination. »

On ne saurait mieux décrire le fait dans lequel, sous l’influence de la