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Lorsque ses menées furent sues de la police pontificale, Cagliostro fut mis en état d’arrestation, ainsi que sa compagne d’impiété, Lorenza Féliciani. Le démon lui avait juré protection. Le grand Cophte, confiant en ce serment, avait toujours sur lui un flacon d’une liqueur qui, par sa seule absorption, devait le rendre instantanément invisible. Aussi, lorsque les gendarmes parurent, il essaya, mais vainement, de se dérober par ce moyen surnaturel. Comme il avait aussi, dit-on, le pouvoir de passer au travers des murs, il tenta alors de disparaitre dans la muraille de son appartement ; ce fut encore peine perdue ; le mur ne s’ouvrit point, pour lui donner passage.

Décidément, son démon protecteur l’abandonnait, et les hommes de la police virent alors Cagliostro, pris de colère, blasphémant, et frappant, furieux, à coups redoublés, cette muraille qui pour la première fois était rebelle à ses prestiges.

Le Saint-Office le fit emprisonner au château Saint-Ange ; son procès commença le 21 mars 1791.

Rien n’est plus convaincant que cette procédure de l’Inquisition romaine contre Giuseppe Balsamo, dit Cagliostro. Voilà ce que devraient lire les demi-catholiques qui hochent la tête quand on leur parle des choses extraordinaires accomplies par bon nombre de suppôts du diable.

Il est démontré, en effet, par les pièces authentiques de cette procédure que dirigèrent des prêtres éminents, pleins de vertu et de science, que Cagliostro a poussé le diabolisme au moins aussi loin que nos palladistes d’aujourd’hui.

Les sceptiques ont ri, à gorge déployée, quand j’ai raconté l’arrivée subite de Philéas Walder dans le temple secret de la San-ho-hoeï, à Tong-Ka-Dou. Evidemment, cette arrivée était incompréhensible, stupéfiante, puisqu’à Pointe-de-Galle, tandis que j’avais pris le courrier de Chine allant dans la direction de l’Extrême-Orient, le vieux Walder m’avait quitté le même jour pour prendre le paquebot rentrant en Europe. Il était donc tout à l’opposé de moi, à des centaines de lieues, quand je me trouvai à Shang-Haï ; et pourtant, tout à coup, il fut là. Était-ce bien lui ? me suis-je demandé souvent ; ou bien était-ce un démon qui avait pris sa forme ?

Le procès de Cagliostro, dont j’ai lu plus tard les documents, devait m’apprendre que les mages, sous l’action du diable qui entre en eux comme dans son plus agréable domicile, peuvent, dans certains cas, — Dieu permettant même cela, — jouir du don d’ubiquité.

Et il est impossible à un catholique de soutenir le contraire, sans renier sa foi. Il est établi, par la Sainte Inquisition romaine, jugeant, en 1791, que Cagliostro avait la faculté, tout en étant dans une ville, de paraître dans une autre, au sein des réunions des sectaires qui avaient adopté son rite égyptien. Parfois, il se faisait accompagner par des démons, lesquels prenaient la