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culte catholique ; les chants sacrés étaient psalmodiés avec des interprétations obscènes, par exemple, le Veni Creator ; il mêlait la fantasmagorie au vrai satanisme.

Il avait une manière à lui de prédire l’avenir. Il ne se contentait pas de débiter verbalement ou par écrit ses oracles ; mais il faisait voir les choses futures dans l’eau d’une carafe.

Parmi ses prédictions à la mode ordinaire, on cite sa lettre au peuple français, datée de Londres le 20 juin 178, dans laquelle la destruction de la Bastille est nettement prophétisée. Mais cette prédiction ne s’est réalisée qu’en partie, et au surplus on a dit que la lettre était, non de Cagliostro qui la signa, mais du sieur d’Espréméail, conseiller au Parlement, l’un des plus ardents ennemis de la cour, l’un des plus chauds partisans de Philippe-Égalité. Quoiqu’il en soit, l’un et l’autre étaient au nombre des initiés les plus avancés dans les loges maçonniques, et, au surplus, la lettre en question pouvait être écrite en dehors de toute inspiration surnaturelle.

Elle disait, en effet : « La Bastille sera détruite de fond en comble, et le sol sur lequel elle s’élève deviendra un lieu de promenade. » Or, cette mesure avait été arrêtée dans les loges, le fait est aujourd’hui avéré ; donc, rien de merveilleux comme prophétie. En outre, les prédictions suivantes, contenues dans la même lettre, ne se réalisèrent nullement, mais montrent bien quels avaient été les projets de la secte : « Il règnera en France un prince (Philippe-Égalité), qui abolira les lettres de cachet (il les redoutait à juste titre), convoquera les États Généraux (ils le furent par Louis XVI), et rétablira la vraie religion » (la religion des loges maçonniques).

Par contre, la vision des choses futures dans la carafe est bien le fait d’un prestige infernal. Pour cela, il fallait à Cagliostro un jeune garçon, qu’il appelait Pupille, ou une jeune fille, qu’il appelait Colombe. La carafe, devant servir à l’expérience, était placée entre neuf bougies consacrées diaboliquement. Les jeunes enfants, vêtus de blanc, avaient été d’abord consacrés par Cagliostro, qui leur soufflait sur le visage et leur imposait les mains. Et à ce propos, il est bon de dire que Cagliostro est formellement reconnu par l’Église comme ayant possédé l’imprégnation satanique, et ayant eu la faculté de la communiquer. Donc, il est hors de conteste que ces Pupilles et ces Colombes du diable, qui, au commandement du grand Cophte, regardaient les carafes et y voyaient des scènes lointaines, ou des scènes qui devaient censément avoir lieu le lendemain ou plusieurs jours après, subissaient une influence démoniaque et n’étaient aucunement des compères.

Il est absolument certain que Satan aidait Cagliostro dans une grande partie de ses opérations. Mais on sait aussi que le prince des ténèbres finit par se moquer de lui, ou, tout au moins, fut impuissant, quand notre coquin osa tenter de bouleverser Rome par ses prestiges.