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c’est le temps, Saturne, Kronos ; espèce de vieil imbécile, cruel et glouton, qui dévore ses enfants ; dieu aveugle et impuissant, qui est dominé par la fatalité, car Kronos ne fait pas ce qu’il veut, mais ce que veut le destin. Mais lui, Jupiter (lisez : Satan), échappé par fraude à la voracité de son père, il a bien su le mettre à la raison, prendre sa place et rétablir l’ordre dans l’univers ; c’est lui désormais qui règne sous la voûte des cieux, c’est lui qui assemble les nuages et lance la foudre ; allez l’adorer à l’Olympe ; c’est lui qui fait planer l’aigle au plus haut des airs et distribue à tous les êtres le mouvement et la vie. Ce n’est plus lui qui est l’orgueilleux, le jaloux, le révolté, écrit très judicieusement M. l’abbé Lecanu ; c’est au contraire contre lui que la révolte a eu lieu : les Titans voulaient escalader le ciel, mais il s’est armé de sa foudre et a renversé, ces fiers enfants de la terre. Prosternez-vous, mortels, et adorez Satan.

Chez les mages de la Perse, de la Babylonie, de la Chaldée, même imposture du Maudit. Là encore, il se pose orgueilleusement en rival de Dieu, en triomphateur même. À peine un souvenir pour le Créateur, relégué dans un océan de lumière inaccessible ; et alors, deux dieux dirigeant l’univers, tout en se combattant, Ormuzd, principe du bien, organisateur des choses créées, et Ahriman, principe du mal, désorganisateur, destructeur ; premier système du dualisme de la divinité. Ormuzd (quelques auteurs écrivent : Oromase) recevait des hommages et un culte, en tant que dieu bon, Ahriman, un culte tout différent et des sacrifices, dans le but d’apaiser sa colère, de détourner de l’adepte sa méchanceté.

Un grand nombre de théologiens sont d’avis qu’en inspirant cette fausse religion, Satan visait surtout à faire haïr le Christ, le Verbe divin, sous le nom d’Ahriman ; et ils partent de ce principe, généralement admis, que l’archange Lucifer s’est toujours posé plus spécialement comme l’adversaire du Verbe et que sa révolte a eu pour cause première l’insurrection de son orgueil, à la pensée qu’il aurait à adorer Dieu le Fils incarné ; c’est-à-dire, l’Homme-Dieu.

Dès lors, pour les mages de ces pays, Ormuzd (Lucifer), principe du bien et de la lumière, fut censé résider dans le soleil, foyer de la lumière en ce monde, tandis qu’Ahriman fut présenté aux foules comme le prince des ténèbres. En se faisant adorer sous le nom d’Ormuzd, le diable créa donc le culte rendu au soleil : adorations et prières, au lever de cet astre ; adieux et prières, à son coucher, pour le supplier de revenir distribuer le lendemain ses bienfaits au monde. Et, le soleil étant ainsi déifié, proclamé roi divin de tous les astres, l’astronomie devint chez les Perses la science religieuse par excellence. Il ne suffit plus aux prêtres du démon d’étudier les évolutions des astres au point de vue auquel se placent les savants ; mais, dans la pensée que le dieu-soleil était l’âme de l’univers, ils prirent ces évolutions, ainsi que