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enthousiastes, qui versa pour lui la caution fixée par les juges, et qui, passant à ses yeux pour son sauveur, l’emmena dans une campagne, afin de fêter sa mise en liberté.

C’est à ce moment-là que William Morgan disparut. Son prétendu ami et admirateur Loton Lawson était un sectaire, qui avait réussi à le jouer, à gagner sa confiance, et qui fut le chef de ses bourreaux.

On n’a pu réunir que peu de détails sur les diverses circonstances du meurtre. Par les deux seuls témoignages d’une négresse et d’un garde-magasin du Fort-Niagara, on est arrivé à savoir quelques-unes des tortures qui furent infligées au malheureux, tourmenté pendant deux jours et trois nuits. Les récits publiés jusqu’à présent sont fort dramatiques, mais forcément incomplets.

D’autre part, donner ici la reproduction de la procédure serait sortir du cadre que je me suis tracé ; les documents maçonniques de l’affaire Morgan fourniraient, à eux seuls, la matière d’un volume.

Ce qu’il importe de faire savoir en ce moment, c’est que l’infortuné William Morgan, après avoir été torturé dans la cave de la petite maison isolée, située aux bords du lac Ontario, fut définitivement éventré, une fois ce long supplice terminé par un dernier coup de poignard à la gorge.

Les bourreaux étaient des maçons occultistes. Ils plongèrent leurs mains dans ses entrailles, voulant mettre à profit leur crime pour expérimenter l’horrible système de divination. Le procès-verbal consigne l’étrange résultat suivant : « Menace pour la liberté par un libérateur, cachant un tyran. » Ce présage fut interprété par les uns comme s’appliquant à Quincy Adams, alors président des États-Unis, et par les autres comme s’appliquant à Bolivar.

Un exemple encore plus récent d’anthropomancie criminelle est celui que nous offre une affaire jugée en février 1857 devant la cour d’assises de la Haute-Marne, et qu’expose ainsi l’acte d’accusation :

« Des cultivateurs de la commune d’Heuillez-le-Grand vivaient dans une ferme isolée, et devaient à cet isolement même une tranquillité que rien ne semblait vouloir troubler, lorsque le 21 janvier dernier un crime horrible ; unique peut-être dans les annales judiciaires, vint les jeter dans le deuil et la désolation. Le mari, Jean-Baptiste Pinot, était parti dès le matin pour le travail, et sa femme l’avait bientôt rejoint après s’être assurée toutefois que son enfant, âgé de onze mois, qui était couché dans son berceau, dormait profondément. Comme la grange où elle allait travailler n’était qu’à quelques pas de la maison d’habitation, elle n’avait pas pensé en sortant à fermer les portes à clef.

« La travail dura quelque temps ; la femme Pinot rentra la première pout s’assurer si l’enfant dormait encore. Quel ne fut pas son effroi lorsqu’elle s’aperçut que le berceau était vide ! On fit immédiatement de vaines recher-