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Catherine de Médicis joignait la faculté des extases dites prophétiques. La reine Marguerite en parle avec une complaisance toute filiale.

Encore, le médecin Fernel lui fit présent d’une médaille cabalistique, afin de lui procurer une fécondité sur laquelle elle ne comptait plus, ayant déjà eu dix enfants. Cette médaille est restée célèbre. Catherine y est représentée dans l’état le plus immodeste, environnée de signes hiéroglyphiques multipliés, ayant à sa droite et à sa gauche les constellations du Taureau et du Bélier, sous ses pieds le nom d’Ebuleb-Asmodée, un javelot dans une main et un cœur dans l’autre ; on, lit à l’exergue le nom d’Oxiel.

Tout cela est caractéristique. Ce qui nous amène à l’anthropomancie, c’est un épouvantable épisode de la vie de Catherine de Médicis, rapporté par Bodin. Cette superstitieuse femme en vint jusqu’à réclamer ce qu’on appelait alors « l’oracle de la tête sanglante ».

C’était à l’époque de la maladie qui emporta Charles IX. Aucun médecin ne pouvait découvrir la cause de ce mal qui rongeait le roi ni en expliquer les effrayants symptômes. Catherine, qui gouvernait entièrement son fils et qui pouvait tout perdre sous un autre règne, Catherine, qu’on a soupçonnée de cette maladie, contre ses intérêts mêmes, parce qu’on supposait toujours à cette femme, capable de tout, des ruses cachées et des intérêts inconnus, consulta d’abord ses astrologues pour le roi, puis eut recours à la mancique criminelle. L’état du malade empirant de jour en jour et devenant désespéré, elle voulut consulter l’oracle de la tête sanglante, et voici comment on procéda à cette infernale opération :

Il fallait un enfant de onze ans, beau de visage et innocent : on se le procura ; on le fit préparer en secret à sa première communion par un aumônier du palais, ignorant certainement le crime qui se perpétrait. Puis, le jour venu, ou plutôt la nuit du sacrifice arrivée, un moine, jacobin apostat et adonné aux œuvres occultes de la magie noire, commença à minuit, et en présence seulement de Catherine de Médicis et de ses affidés, ce que l’on appelait alors la messe du diable.

À cette messe sacrilège, célébrée devant l’image du démon ayant sous ses pieds une croix renversée, le sorcier prononça les paroles de la consécration sur deux hosties, l’une noire, l’autre blanche. La blanche fut donnée à l’enfant, qu’on amena et qui fut égorgé sur les marches mêmes de l’autel, aussitôt après sa communion. Sa tête, détachée du tronc d’un seul coup, fut placée, toute sanglante, sur la grande hostie noire qui couvrait le fond de la patène, puis apportée sur une table où brûlaient des lampes magiques.

L’exorcisme, selon le rite de la sorcellerie, commença alors ; le moine apostat conjura le démon de prononcer un oracle, c’est-à-dire lui ordonna de répondre, par la bouche de cette tête coupée, à une question secrète, que le roi n’osait faire tout haut et n’avait même confiée à personne.