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couronnée, resta volontairement subordonnée à la maîtresse royale et s’abaissa jusqu’à s’efforcer de gagner l’amitié et les faveurs de sa rivale ; si bien qu’on vit ce spectacle singulier d’une reine protégée auprès de son époux par une favorite qui occupait sa place. Triste souveraine, oui, qui, au lieu de chercher, pour guider sa conduite, les lumières de l’Église, s’inspira de la politique de son compatriote Machiavel : tenant la balance entre les partis et les factions ; divisant pour régner ; se faisant un plaisir d’augmenter les divisions en mettant aux prises, dans le fameux colloque de Poissy, les théologiens catholiques et les théologiens protestants ; autorisant le culte hérétique hors des villes ; entourant de plaisirs son fils Charles IX, dès l’âge de treize ans, pour mieux le dominer, et l’énervant par la volupté ; s’entourant de deux cents jeunes filles, dans ses voyages d’un luxe ruineux, « l’escadron de la reine », ce qui était pour elle un moyen de succès dans ses intrigues politiques ; vivant au milieu de sorciers avérés, en pleines guerres civiles, qu’elle avivait, au lieu de chercher à les éteindre ; reléguant tout à coup dans l’ombre les Guises, vrais catholiques et bons Français ; ne comprenant pas d’abord que Coligny était traître à la France ; puis, perdant la tête devant l’attitude hautaine des protestants, dont ses faiblesses avaient été la cause, concevant, décrétant et faisant exécuter l’horrible massacre de la Saint-Barthélemy, qui est son œuvre personnelle, dont elle eut le cynisme de se vanter auprès des cours catholiques, et dont la calomnie sectaire rejette, par un mensonge audacieux, la responsabilité sur l’Église.

Non, Catherine de Médicis n’était pas une princesse vraiment catholique ; car elle passa toute sa vie à ne tenir aucun compte des défenses formelles du Saint-Siège, concernant les pratiques de la sorcellerie ; ce fut elle qui la remit à la mode, c’est à elle que l’on dut ce vertige presque général de diabolisme dont l’historien est stupéfait, quand il parcourt les chroniques de l’époque.

Elle amena à sa suite, dit M. l’abbé Lecanu (Histoire de Satan), un grand nombre de magiciens et d’astrologues, parmi lesquels le trop fameux Côme Ruggieri, florentin, qu’elle honora toujours de sa protection, malgré ses crimes, ou peut-être à cause de ses crimes, et à qui elle donna l’abbaye de Saint-Mahé, en Bretagne, pour le dédommager des ennuis d’un emprisonnement qu’il avait subi pour fabrication d’images de cire, dans le but d’envoûter Charles IX et la reine Marguerite.

Elle bâtit l’hôtel de Soissons et y fit ériger un observatoire, du haut duquel elle suivait le cours des astres pendant les nuits, afin de demander aux planètes et aux étoiles conseil sur la conduite de ses affaires du lendemain ; et elle en avait acquis l’emplacement, pour ne plus demeurer dans la paroisse de Saint-Germain d’Auxerrois, qui lui était devenue odieuse, ainsi que le palais même des Tuileries, quoiqu’il fut son ouvrage, depuis