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Les restes des cadavres, coupés par morceaux, étaient enfouis sous les murs du château ou jetés à l’eau.

Prélati, arrêté avec le maréchal, fit à son tour ses aveux, raconta sa vie, ses évocations à Tiffauges pour lesquelles il avait demandé au maréchal la main, le Cœur et les yeux d’un petit enfant ; il cita les longues formules dans lesquelles il appelait le démon, celle-ci entre autres : « Baron, Sathan, Bélial, Belzébuth, au nom du Père, du Fils et de l’Esprit, au nom de la Vierge Marie et de tous les saints, je vous supplie d’apparaître ici en personne, afin de parler avec nous, et de faire notre volonté. » Il affirma que le diable lui était apparu un jour sous la forme d’un beau jeune homme, un autre jour, sous celle d’un serpent vert à tête de chien : mais que le maréchal, toujours muni d’un fragment.de la vraie croix, voulut alors entrer dans la chambre, et l’or du diable se réduisit en poussière.

L’évêque de Nantes, au nom de l’Inquisition, prononça la sentence :

« Nous, évêque de Nantes, etc., déclarons toi, seigneur de Rais, devant le tribunal et le peuple ici rassemblé, hérétique, relaps, traitre et évocateur du diable, coupable du crime contre nature avec des enfants des deux sexes, et de violations d’immunités ecclésiastiques, devant être corrigé et puni justement suivant les saints canons de l’Église. ».

Le maréchal fut brûlé avec ses complices le 27 octobre 1440. La cour séculière lui accorda le privilège d’être étranglé avant d’être livré aux flammes.

Le cas de Gilles de Retz n’est pas, à proprement parler, celui d’un de ces hommes que nous qualifions de « lucifériens ». Il y a, chez le seigneur de Tiffauges, une aberration qui ne ressemble aucunement à celle de nos palladistes. Il n’offrait pas ses hommages à Satan, il ne le croyait pas dieu ; mais il espérait se le rendre favorable, d’une part, en commettant des crimes monstrueux, et il prétendait, d’autre part, le forcer à lui obéir par la vertu des reliques du Christ.

Abstraction faite des crimes dont se souillait Gilles de Retz, cette aberration est plus fréquente qu’on ne croit et à plusieurs degrés. Je l’ai rencontrée assez souvent, sous une forme tout à fait anodine, mais déjà coupable néanmoins, au sein même des familles chrétiennes, et principalement chez les femmes.

Hélas ! oui, il m’est arrivé parfois d’entendre une dame ou une jeune fille, sincèrement catholique, exprimer cette inconséquence, ou, mieux, cette énormité :

— J’aimerais bien voir le diable, mais sans l’appeler par un sacrilège, bien entendu. Je voudrais connaître une formule qui le fit venir, là, devant moi, pour savoir comment il est, ce qu’il me dirait ; oh! une formule sans blasphème, une formule banale. Et certainement, si alors il m’apparaissait et m’offrait la richesse ou quelque grand avantage d’ici-bas, je repousserais ses