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L’assemblée répond en chœur :

« Amen, Seigneur ! amen[1]. »

On aura remarqué, dans cette prière, le passage où sont traités d’imparfaits initiés ceux qui ignorent les statuts et les mystères de la cabale secrète. Il est, en effet, hors de doute qu’un grand nombre de juifs maçons, et notamment les Américains, suivent les doctrines de Simon Ben-Jochaï et le système de la cabale avec les doctrines du Talmud. Je n’insiste pas.

Plus haut, on a vu qu’aux États-Unis, dès 1843, une confédération maçonnique israélite fut créée : les Fils de l’Alliance ou Bnaï-Bérith. Les loges fédérées étaient composées exclusivement de juifs. Cette organisation prospérait, se développait, mais n’avait pas la direction de la secte ; ce fut Albert Pike, nous le savons, qui, en s’unissant à Mazzini, en 1870, après la prise de Rome par Cadorna, créa la haute-maçonnerie directrice, pratiquant le Palladisme. Mais les deux grands chefs internationaux avaient à compter avec les Bnaï-Bérith ; ceux-ci avaient atteint le nombre de 18.000 dans l’Amérique du Nord. En Europe, il y avait bien aussi quelques loges juives ; celle de Hambourg, surtout, exerçait une réelle influence.

C’est alors que Pike, obligé de ménager les israélites, mais ne voulant pas leur fournir les moyens d’absorber le Palladisme, conçut le projet de faire reconnaitre les loges juives par la haute-maçonnerie, et, par conséquent, de tenir leur confédération sous une sorte de dépendance du Suprême Directoire Dogmatique de Charleston, tout en lui garantissant son autonomie et en lui facilitant même l’extension par un nouveau mode de fonctionnement.

On était en 1874. Parmi les juifs les plus élevés en grade et les plus importants dans la maçonnerie, se trouvait le F∴ Armand Lévy. Peu connu à cette époque, du moins du grand public, il était un de ces sectaires qui font peu de bruit autour de leur nom, qui ne se mêlent aux comités politiques que pour les diriger secrètement dans le sens des desseins des arrière-loges, et qui dédaignent même l’exercice officiel du pouvoir. Né en 1827, dans la Côte-d’Or, homme d’action avant tout, il s’était mêlé à toutes les insurrections dès sa jeunesse ; on l’avait vu, à vingt-un ans, sur les barricades de 1848, à Paris ; s’expatriant, il s’était joint aux perturbateurs de la Pologne, puis à ceux de l’Italie ; lors de la Commune, il avait joué un rôle effacé, mais nullement d’abstention, et il dut par prudence quitter de nouveau la France après la victoire de l’armée de l’ordre. Pendant ses séjours en Italie, il s’était lié avec tous les plus violents ennemis de la Papauté ; il a même écrit un gros volume d’attaques odieuses et d’une

  1. La Maçonnerie considérée comme le résultat des religions égyptienne, juive et chrétienne, par le F∴ Moïse Reghellini de Scio, 3 volumes, 1833.