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établi à Milan, nommé Lechangeur, certains cahiers de grades cabalistiques, imaginés par Cagliostro ; celui-ci en avait tiré le fond des rituels des Rose-Croix de Bordeaux.

Les trois frères Bédarride, Marc, Joseph et Michel, étaient fils du juif Gad Bédarride, de la vallée de Cavaillon (Vaucluse), qui lui-même reçut la lumière en 1771 à la vallée d’Avignon par l’entremise de l’initié Israël Cohen, surnommé Carosse. En 1782, le patriarche Ananiah, grand épopte égyptien, vint à la vallée de Cavaillon et lui accorda des augmentations de salaire, ainsi qu’aux initiés de cette région. Pendant les guerres d’Italie, Gad Bédarride, capitaine des équipages d’artillerie, fut élevé à Naples, par le frère Palambola, aux plus hauts grades créés par Cagliostro. Dans cette ville, un édit royal de 1777 déclarait criminel de lèse-majesté le franc-maçon qui assisterait à des assemblées de cette secte ; mais l’intervention des armées de la France les avait affranchis de cette loi.

Ce fut en Italie que le jeune Marc Bédarride, fils de Gad, fut initié le 5 janvier 1801, dans la loge la Candeur, de Cesena ; en 1802, il fut, ainsi que son frère Michel, affilié à la loge Mars et Thémis, de Paris. Puis, il fonda plusieurs loges militaires, les Émules de Mars, la Gloire militaire, les enfants de la gloire militaire, suivit nos armées dans l’expédition de Naples, et fonda la loge des Enfants de la Sagesse.

Il raconte lui-même un épisode curieux de cette expédition : « L’Illustre Sœur, épouse du général Paire, fut surprise en Calabre par une troupe de brigands, dont le chef, à l’ouverture des bagages, fut fort étonné d’y trouver un diplôme et une décoration maçonniques. Interrogée à ce sujet, elle répondit que son époux était général italien, franc-maçon, et qu’elle aussi avait reçu la lumière dans le Jardin d’Éden. Le chef des brigands, initié lui aussi dans le temple de la vallée de Cosenza, la rendit immédiatement à la liberté. »

À Naples, se trouvait alors Michel Bédarride, négociant, qui remplissait les fonctions d’inspecteur des vivres au service de l’armée d’Italie, à l’état-major de laquelle Marc appartenait.

Le Misraïmisme n’existait pas encore. Mais le Rite Écossais Ancien Accepté venait d’être fondé à Charleston, et bientôt il avait fait invasion en France (1804) et en Italie (1805). À cette époque, le juif Lechangeur, qui était Vénérable d’une loge de Milan, sollicita du Suprême Conseil à peine établi à Rome son initiation aux hauts grades écossais ; on lui en conféra quelques-uns, mais non les plus élevés. Furieux d’être éliminé de la direction, Lechangeur s’entendit alors avec un de ses coreligionnaires, nommé Polacq, qui possédait une ébauche de rite en 90 degrés, dont l’auteur était Cagliostro, dans les conditions que j’ai dites tout à l’heure. À eux deux, ils entreprirent la création du nouveau rite ; mais bientôt, il y eut zizanie entre nos juifs, et l’on eut