Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand besoin d’argent à cette époque, et on ne lui ménageait pas les critiques. Qu’avait-il fait depuis près d’un quart de siècle qu’il existait ? Dans les occasions solennelles, il avait paradé devant l’autorité n’importe sa couleur, et en toutes occasions, armé de verges légales, il avait fait rentrer des fonds pour solder le silence du rabbin et la voix du hazan. »

Ces accusations sont graves, venant de sources juives. Le petit nombre de juifs restés fidèles aux antiques traditions devaient voir, en effet, avec douleur cette émancipation si longtemps attendue, si ardemment désirée, produire des fruits aussi amers. C’en était fait du véritable judaïsme.

La révolution de 1830 trouva les juifs tout prêts à accepter son programme et ses fallacieuses promesses. Une nouvelle faveur de la révolution les engageait alors plus avant dans leur compromission avec les menées des conspirateurs et des sociétés secrètes, où ils devenaient de jour en jour plus nombreux et plus influents. « Malgré leur nationalisation française, ils se trouvaient, en face des cultes salariés par l’État, dans une condition d’inégalité injuste, leur culte étant le seul auquel le budget de la France restât étranger. » Les francs-maçons étaient là pour réparer une si criante injustice : « Cette inégalité, dit encore M. Kahn, cessa bientôt, grâce à l’intervention du duc d’Orléans, lieutenant-général du royaume, grâce à MM. Viennet et de Rambuteau, qui s’employèrent ardemment à réaliser pour les juifs en droit et en fait l’égalité civile la plus complète : la loi du 8 février 1831, portant qu’à partir du 1er  janvier, les ministres du culte israélite seraient rémunérés par l’État, fut la consécration de leur état religieux. Louis-Philippe avait donné à cette œuvre l’appui de sa haute influence, et il avait fait preuve en cette circonstance, comme il lui arriva plus d’une fois pendant son règne (c’est lui aussi qui, en 1846, abolit le serment more judaïco), d’une bienveillance et d’une équité dont les Consistoires se montrèrent toujours reconnaissants. »

En effet, il ne se passa pas une année du règne de Louis-Philippe, sans que les juifs, par la voix de leur avocat Crémieux, ne témoignassent au roi, pour sa fête ou pour le nouvel an, toute leur gratitude pour un si grand bienfait. La reconnaissance des juifs n’alla pas cependant jusqu’à protester contre sa chute. Nous les verrons tout à l’heure coopérer pour leur part, avec les frères et amis de la maçonnerie, à la Révolution de 1848 ; et il n’est pas médiocrement réjouissant d’entendre le même avocat Crémieux, devenu ministre de la République, faire ainsi, entre frères, l’oraison funèbre de celui qu’il avait si longtemps assommé de ses compliments mielleux :

« C’était une famille de braves gens, ces d’Orléans que 1830 avait appelés au trône. Le roi s’entêta contre l’esprit national. Nous le renversâmes, et celui qui vous parle ferma sur le monarque déshérité la voiture qui l’emportait en exil. »