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générale de la Commune une députation de juifs « revêtus de la livrée civique », c’est-à-dire de l’uniforme des gardes nationaux, et y prononçait en faveur des israélites de Paris et de la France entière, un fort habile discours, où il mettait en jeu les ambitions démagogiques qui germaient déjà dans cette assemblée. À ceux qui pouvaient accuser la Commune d’empiéter sur les droits de la Constituante et de vouloir exercer sur ses délibérations une pression illicite, il répondait : « Ce n’est pas là faire la loi, mais c’est la préparer par l’opinion ; c’est exercer la plus haute des puissances ; c’est rendre les œuvres du législateur plus faciles, et transformer pour ainsi dire à l’avance ses intentions en décrets. » Puis, répondant aux craintes et aux atermoiements qui avaient décidé l’ajournement de la délibération générale, il présentait les juifs comme étant dignes de la loi qu’on leur marchandait « par le zèle patriotique qui, dès le moment de la Révolution, avait transporté leur âme, les avait couverts de l’armure civique, et en avait fait de braves et infatigables soldats, entièrement dévoués au salut et à la prospérité de la nation. » La Commune leur devait un certificat de moralité et de civisme qui ferait revenir l’Assemblée sur sa décision. Plus de cent juifs (sur 500 qu’on en comptait alors à Paris) s’étaient enrôlés dans la garde nationale : plusieurs avaient témoigné leur zèle par des dons patriotiques ; il signalait en particulier le généreux désintéressement du juif polonais Hourwitz, auteur d’un ouvrage en faveur de sa nation, couronné par la Société royale des Arts et des Sciences de Metz ; celui-ci venait de faire à la nation le don patriotique du quart des 900 livres de rentes qu’il touchait comme interprète des Langues orientales à la Bibliothèque du roi.

Ce discours eut l’effet qu’on en attendait : l’assemblée de la Commune, présidée par l’abbé Mulot, un autre Grégoire, tout dévoué à la cause des juifs, arrêta qu’un témoignage public et authentique leur serait donné, que le vœu de leur admission à l’état-civil et à tous les droits de citoyens actifs serait hautement formulé et porté à l’Assemblée nationale, lorsqu’il aurait reçu la sanction des districts.

Cette sanction ne tarda pas à être donnée[1] et le 25 février 1790, la Commune de Paris envoyait à l’Assemblée nationale une députation présidée par l’abbé Mulot, pour la supplier d’étendre son décret à tous les juifs de Paris et de la France.

L’avocat Godard plaida encore leur cause, et s’appliqua surtout à montrer l’opportunité d’en finir d’un seul coup avec cette question capitale. « Des préparations, des modifications, dit-il, n’auraient d’autre objet que de perpétuer

  1. Un témoin oculaire a consigné dans les Archives israélites (1811) les noms des israélites de Paris qui recueillirent l’approbation de chaque district en faveur de leur émancipation : Mardochée Polak, Jacob Trenel, Goldschmidt, et le bijoutier Jacob Lazard, appuyés surtout par le district des Carmélites. Sur 48 sections, une seule refusa son adhésion, celle des fripiers de la halle.