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de l’homme s’étendait à tous les habitants de la terre, et que le roi serait supplié (nous savons que Louis XVI n’avait pas besoin d’être supplié pour s’intéresser au sort des juifs), d’appuyer ces réclamations de toute son autorité.

Ce n’était là qu’un premier jalon posé pour tâter le terrain et sonder les dispositions de l’assemblée.

Les juifs sentaient qu’ils avaient à lutter, pour arriver à leurs fins, contre une majorité ou prévenue contre eux, ou peu disposée à trancher d’un coup de décret une question qui soulevait dans la nation française, et surtout en Alsace, tant de répulsions, et qui, en tout cas, demandait de lentes et mûres réflexions. Aussi, les juifs n’hésitèrent-ils pas à mettre dans leurs intérêts ces puissances extérieures qui commençaient à s’élever à côté de l’assemblée des représentants de la nation, pour paralyser ou précipiter son action au gré des passions populaires.

En effet, le 23 décembre 1789, venait à l’ordre du jour une motion rédigée par le comte de Clermont-Tonnerre, au sujet de l’éligibilité des juifs, des protestants et des comédiens aux assemblées administratives ; il s’agissait de savoir si ces trois catégories devaient être rangées parmi les citoyens actifs. La vraie question se posait nettement. Il est vrai que les juifs l’avaient résolue de fait avant qu’elle fût tranchée de droit. Profitant du désordre que la Révolution jetait dans les relations sociales, ils se considéraient déjà comme citoyens, avant même d’en avoir légalement le titre. C’est ce que fit valoir le comte de Clermont-Tonnerre, tout en invoquant en faveur de ses clients la fameuse déclaration des Droits de l’homme. Cette déclaration n’établissait-elle pas que « nul ne devait être inquiété pour ses opinions religieuses ? » — « Or, n’est-ce pas inquiéter essentiellement des citoyens, disait l’orateur, que de vouloir les priver du droit le plus cher à cause de leurs opinions ? Ou bien faites une religion nationale, armez-la d’un glaive, et déchirez votre déclaration des Droits… Il faut que les juifs soient citoyens ; si, comme quelques-uns le prétendent, ils ne veulent pas l’être, qu’ils le disent et qu’on les bannisse… Un de mes collègues, M. Nérac, m’a autorisé à dire que plusieurs juifs avaient concouru à son élection. Ils sont admis dans les corps militaires. Ils sont donc présumés citoyens ; dans leur requête, ils demandent à être considérés comme tels ; la loi doit reconnaître un titre que le préjugé seul leur refuse. »

L’abbé Maury, en cela l’organe d’une grande partie de l’assemblée, montra les graves inconvénients qui pourraient résulter pour la France de l’adoption des juifs, ce qui créerait une nation dans la nation, et conclut qu’il fallait les protéger comme individus, mais non comme français, parce qu’ils ne pouvaient être citoyens.

En vain Robespierre, secondé par Duport, déploya, pour réfuter l’abbé