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conversations avec les filles de Mendelssohn, qui venait de mourir, que Mirabeau puisa les matériaux du livre qu’il se proposait d’écrire en faveur des juifs censément opprimés.

Il l’écrivit à Berlin même, vers le mois de juillet 1786. L’ouvrage de Mirabeau sur Moïse Mendelssohn et sur la Réforme politique des Juifs, qui deviendra le programme de l’Assemblée constituante sur la question juive, n’est qu’un résumé éloquent du livre de Dohm, précédé d’une biographie fort élogieuse de celui que les Allemands appellent « le Platon de Berlin ».

C’est à Mendelssohn, comme à un autre Moïse, que se rattache aujourd’hui tout ce qui, dans le monde judaïque, a la prétention de penser et de philosopher ; et c’est à sa suite que le judaïsme, abandonnant les traditions purement mosaïques et même les errements du Talmud, s’est jeté tête baissée dans le philosophisme rationaliste, sauf à donner dans toutes les erreurs qu’engendre la raison livrée à elle-même, sans boussole surnaturelle.

On peut appeler Mendelssohn le Luther du judaïsme. Pendant que son maitre et ami Lessing, autre chef haut-maçon, combattait à outrance le christianisme à l’aide du judaïsme, Mendelssohn renouvelait le judaïsme et le bouleversait de fond en comble ; il le réduisait à n’être plus qu’un pauvre et misérable déisme, auquel, malgré tous ses efforts et tout son talent, il ne parvenait pas à prêter l’éclat et le charme de Platon. Cette prétendue renaissance du judaïsme, comme religion, ne fut en réalité que le signal de son irrémédiable décadence[1]. Elle n’attendit pas du reste bien longtemps pour porter ses fruits ; cette jeunesse allemande, enthousiaste de Lessing et de Mendelssohn devint, après la mort de ce dernier, téméraire ou licencieuse, et se confondit avec celle où se recrutèrent les sociétés secrètes, sous le nom de « Cercle avancé » de Berlin. Le mendelsohnisme eut le sort du salon de la belle Henriette de Lemos. Comme le reconnait un autre historien des israélites, Théodore Reinach, « le Décalogue lui-même fut relégué au magasin des antiques avec le bagage des vertus traditionnelles qu’il incarnait. »

Mirabeau savait bien ce qu’il faisait en ajoutant cet élément de corruption et de dissolution à tous les autres qui fermentaient en lui et autour de lui ; les juifs étaient un atout de plus dans son jeu contre l’Église et la vieille société chrétienne.

En attendant le verdict définitif des grandes assises révolutionnaires, la franc-maçonnerie, s’associant à l’idée de Lessing, de Mendelssonn, de Dohm et de Mirabeau, fit tout ce qu’elle put pour donner aux juifs dans la société une situation dont ils ne pouvaient manquer de profiter au préjudice des

  1. Les innovations dogmatiques de Mendelssohn avaient été déjà mises en vogue dans le judaïsme par l’enseignement de Maïmonide, dont le Guide des Egarés scandalisa les juifs orthodoxes, au point qu’un rabbin, Rabbi Echalem, de Montpellier, le fit brûler publiquement.