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l’exécution de ce plan étant l’Église catholique, il fallait à tout prix la saper, en détruire l’influence dans les esprits, en même temps qu’on lui couperait les vivres et qu’on la réduirait à se cacher comme aux premiers temps du christianisme dans de nouvelles catacombes. Le moyen qui parut le meilleur aux libres-penseurs pour en arriver à cette fin, fut d’établir le principe satanique de l’indifférence en matière religieuse ; du jour où il serait admis que toutes les religions sont bonnes et légitimes, que Confucius ou Bouddha est l’égal de Jésus-Christ, le Coran l’égal de l’Évangile, c’en était fait de toute révélation divine, de tout surnaturel ; disons plus : de tout spiritualisme, de toute religion.

Rien de plus naturel, de plus logique dans ce système infernal que de comprendre, parmi ces religions qu’il s’agissait de réhabiliter aux dépens de celle du Christ, — la véritable ennemie, — la religion d’en peuple maudit, l’ennemi traditionnel du Christianisme, le Judaïsme ; non pas le judaïsme de Moïse et des prophètes, les précurseurs et les symboles du Christ, mais le judaïsme tel que l’avaient fait l’incrédulité et les rêveries des rabbins, tel surtout que le faisaient en Allemagne les tendances de plus en plus prononcées de ses docteurs et de ses sages vers le rationalisme et ses conséquences nécessaires ; la négation du surnaturel, le scepticisme et l’athéisme.

Le judaïsme véritable, tel qu’il est formulé dans Moïse, David et les prophètes, eût résisté aux avances de la libre-pensée moderne, matérialiste et athée ; mais le judaïsme rationaliste, tel que le concevaient au dix-huitième siècle les Lessing et les Mendelssohn, était tout prêt à entrer dans la ligue de l’impiété contre l’Église catholique ; il pouvait même fournir à ses ennemis des armes précieuses contre elle. Ceux-ci se gardèrent bien de se priver de ce puissant auxiliaire, et l’émancipation des juifs entra ainsi dans le programme de la guerre décisive qu’on allait livrer à l’Église du Christ.

Cette émancipation, déjà agitée plusieurs fois en Angleterre, solennellement reprise au convent de Wilhelmsbad, trouva, aux approches de la Révolution, son plus chaud, son plus puissant avocat dans l’un des plus illustres francs-maçons de ce temps, aussi illustre par les turpitudes de sa vie que par sa démoniaque éloquence : Mirabeau.

Mais ici, pas plus qu’ailleurs, Mirabeau ne tira rien de son fond ; il se contenta de mettre en œuvre les idées et les vues d’autrui : il ne fut que le porte-voix retentissant des doctrines qui s’étaient fait jour on Allemagne au sujet des juifs et de leur réhabilitation humaine et religieuse. Comme c’est à Mirabeau surtout, l’affilié de toutes les sociétés secrètes de son temps, que les juifs doivent les bienfaits de la Révolution, il faut nous arrêter quelques instants sur le rôle joué par le grand tribun dans cet événement qui devait décider de l’avenir de la société juive.

Pendant que Cagliostro, de l’Angleterre où il s’était réfugié (1787),