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encore Philalèthes (1713), dont la doctrine était un mélange de Swedenborgisme et de Martinisme. Cette Loge eut bientôt pour succursale les Philalèthes ou Amis Réunis de la rue de la Sourdière, où dominèrent le comte de Saint-Germain, Cagliostro, Condorcet et Dietrich, surnommé le Robespierre de Strasbourg.

Quand on voit le Martinisme donner la main d’un côté à Diderot et à d’Holbach, et de l’autre à Cagliostro et à Dietrich, le Martinisme est jugé. Il a sa part dans les crimes de la philosophie et de la Révolution.

Dans la conspiration tramée au dix-huitième siècle par Satan et ses suppôts contre l’Église du Christ, dom Martinez Pasqualis fut un des ouvriers de la première heure, un de ceux qui conçurent cet infernal projet de la concentration des différentes sectes qui composaient la franc-maçonnerie en les ralliant à une même doctrine, en leur donnant un mot d’ordre et en les cimentant solidement sur la base de l’initiation théurgique ou cabalistique, c’est-à-dire de la communion effective avec Satan. Véritable sectaire, véritable hiérophante et initiateur occulte, il se contenta de faire des prosélytes dans l’ombre des loges et des associations secrètes, et laissa à d’autres, à Saint-Martin, par exemple, le rôle extérieur et visible d’initiateur mondain et lettré, opérant dans les salons ou les académies, entraînant, à l’aide de sa parole et de ses écrits, les âmes disposées au mysticisme dans les erreurs de l’Illuminisme martinien.

Pendant que Martinez Pasqualis disparaissait mystérieusement de France et allait mourir obscurément à Port-au-Prince en 1779, son disciple Saint-Martin recueillait la gloire due à son maitre ; la secte fondée par le juif espagnol s’appelait le « Martinisme », au lieu de s’appeler le « Martinézisme ». Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Ce que l’on appelle le Martinisme n’est pas l’œuvre de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu, mais bien celle de Martinez Pasqualis ; Saint-Martin le reconnaît lui-même. À l’époque ultérieure où il était sous le charme du cordonnier mystique Bœhme, il a des retours touchants du côté de son ancien maitre, dont l’enseignement a laissé chez lui des traces ineffaçables :

« Quant à Sophie, dit-il, et au Roi du monde[1], il ne nous a rien dévoilé sur cela, et nous a laissé dans les notions ordinaires de Marie et du Démon (nouvelle preuve que Saint Martin n’a jamais été jugé digne par Martinez d’être initié au véritable mystère de la secte). Mais je n’assurerai pas pour cela qu’il n’en eût pas la connaissance ; et je suis bien persuadé que nous aurions fini par y arriver, si nous l’avions conservé plus longtemps. »

L’influence de Saint-Martin sur la franc-maçonnerie, quoi qu’on en ait dit,

  1. L’enseignement de Martinez sur ce point ne pouvait être que celui de la cabale, que l’Univers est le résultat d’un commerce éternel entre le Saint Roi et la Matrone, enseignement qui a passé dans les symboles de la Franc-maçonnerie, l’Équerre sur le Compas, la lettre Tau, la Rose sur la Croix, etc., signés des couples divins et infinis.