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Les membres de la loge la Perfection se dispersèrent, et Dom Martinez quitta Bordeaux pour venir à Paris[1].

La violente opposition que rencontra Martinez à Bordeaux prouve combien à cette époque les imparfaits initiés n’entendaient pas raillerie sur les innovations maçonniques. Aujourd’hui il n’en est plus ainsi ; les gogos des loges se laissent imposer le Palladisme avec une naïveté étonnante.

Voici, comme dernier trait, le récit d’une scène scandaleuse, fait par un membre de la loge la Française, présent aux travaux du 28 février 1761 :

« Un officier étranger avait voulu entrer de force en loge, et avait même mis l’épée à la main. Au préalable, on lui avait demandé s’il n’aurait pas fréquenté la loge bâtarde de cette ville, tenue par le sieur Martinez Pascalis, C’est sur sa réponse affirmative que l’entrée du temple lui avait été refusée. Là-dessus, violence de la part de cet officier. Ayant, pour cet objet, averti M. de Ségur, lieutenant du maire, celui-ci lui a défendu de ne plus troubler ni inquiéter à l’avenir aucune loge de cette ville, menaçant le sieur Martinez Pascalis de le mettre au cachot, et d’écrire en cour pour le faire casser ; ce que M. de Ségur a bien promis d’exécuter. Comme toutes ces violences sont très éloignées de l’esprit de la franc-maçonnerie, la loge l’Anglaise décide que tous ceux qui fréquenteraient la prétendue loge du sieur Martinez Pascalis demeureraient exclus du respectable atelier, suivant délibération prise en loge générale. » (Clavel, Almanach de la Franc-Maçonnerie pour l’année 5846.)

Les hauts grades, qui rendaient suspectes aux yeux des loges de la stricte observance les fondations de Martinez étaient les suivants, selon Clavel : Grand Élu Apprenti Cohen, Compagnon Cohen, Maitre Cohen, Grand Architecte, et Chevalier Commandeur, formant le rite des Élus Cohens ou Prêtres. On a vu plus haut que Martinez ne comptait que cinq ordres parfaits dont il se reconnaissait dépositaire.

On a peu de renseignements sur le séjour de Martinez à Paris et sur les résultats de sa propagande maçonnique. Suspect à la Maçonnerie de la stricte observance qui l’avait excommunié, il dut se contenter de travailler à l’ombre et dans le secret des réunions et des sociétés privées, où il fit quelques prosélytes de marque, entre autres le fameux athée baron d’Holbach et Diderot[2]. Il posa aussi les bases de la loge les Amis Réunis appelés

  1. La Chaîne d’Union, journal de la franc-maçonnerie universelle, année 1880.
  2. Les autres disciples connus de Martinez en France sont, outre ceux déjà nommés : la marquise de la Croix, amie intime de Saint-Martin, en communication habituelle et familière avec les esprits ; le comte d’Hauterive, qui se livra à Lyon (1774-1776) avec Saint-Martin à une série d’expériences théurgiques où mesmériennes, dont il reste des procès-verbaux tellement laconiques qu’il est difficile d’en préciser le véritable objet : et le fameux Cazotte, qui passa pour prophète. On sait que le pauvre Cazotte mourut sur l’échafaud révolutionnaire. Celui qui prononça son arrêt de mort et qui était franc-maçon comme lui, eut l’ironie de l’exhorter à mourir courageusement, en lui rappelant qu’il était de la secte des Illuminés.