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premièrement de leur découvrir, pendant le sommeil, et par des fantômes, de ces sortes de choses qu’il n’ignorait pas, comme sont toutes celles qui étaient présentes ou passées, ou qu’il devait opérer lui-même. Le succès de ces sortes de songes fit croire qu’il y avait quelque chose de divin en lui ; et les hommes aveuglés, dans la conviction que le démon savait l’avenir et qu’ils pouvaient l’apprendre de lui, employèrent pour cela mille moyens superstitieux, mais qui ne furent inspirés que par le démon même qu’ils reconnaissaient déjà pour leur maître. »

Le R. P. Costadan ne faisait que traduire l’opinion de saint Thomas qui assure que Satan est le père de ses songes, qu’il peut, non pas nous y révéler l’avenir, mais pronostiquer sur certains faits avec quelques chances de succès, alors que l’avenir est déterminé dans ses causes, et qu’il lui est possible, à plus forte raison, de nous y dévoiler le présent et le passé. Il peut nous apprendre dans les songes les choses les plus diverses, comme par exemple ce qui se passe dans les pays les plus éloignés au moment de notre rêve, les remèdes qu’il faut employer dans telle ou telle maladie, et enfin ce qu’il compte opérer lui-même dans quelque temps. L’intervention du diable dans certaines visions nocturnes n’est l’objet d’aucun doute pour Lactance, saint Jérôme, saint Grégoire, saint Isidore de Séville, saint Augustin, saint Chrysostôme, saint Grégoire de Nysse.

La Vie des saints est remplie de récits de visions nocturnes dans lesquels le diable, prenant toutes les formes, essaie de les séduire et de les faire tomber dans le péché.

Un célèbre théologien scolastique du xie siècle, Guibert de Nogent, élève de saint Anselme, est un des exemples les plus frappants de ces attaques du diable pendant le sommeil à l’aide des songes et visions. Si l’on veut savoir quelle était au xie siècle l’opinion des hommes de foi les plus éclairés sur l’intervention surnaturelle des puissances de l’enfer, il faut lire la Vie de Guibert de Nogent écrite par lui-même en trois livres. En voici quelques courts extraits qui se rapportent à notre sujet :

« J’ai lieu de croire, Père céleste, dit-il, que mes pieuses dispositions irritaient excessivement le diable, lequel devait plus tard se laisser apaiser par un oubli de cette sainte ferveur. Ainsi, une nuit que j’avais été réveillé par de misérables angoisses, je restais dans mon lit où je croyais être plus en sûreté, grâce à la proximité d’une lampe qui épandait une très vive clarté. Voici que tout à coup, au milieu du plus profond silence, je crois entendre non loin de moi un grand nombre de voix venant d’en haut. Ces voix ne proféraient aucune parole, seulement elles présageaient un malheur. Au même instant, ma tête fut ébranlée comme dans un rêve ; je perdis l’usage de mes sens, et je crus voir apparaître un homme mort dans un bain. Effrayé de cette image, je m’élançai hors de mon lit en poussant un