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noms dans les comptes-rendus de la Chaîne d’Union et autres feuilles officielles de la secte ! tant-pis si elles se sont ainsi exposées à être confondues avec les autres ! Ceci ne retire rien de sa valeur au livre magistral de M. De la Rive.

Mais je ne suis pas dans le cas de cet auteur, qui est mon ami. Je ne saurais, moi, si Je publiais une liste, esquiver l’obligation de faire un classement. Aussi, je ne cite et ne citerai, en fait de femmes, que les maçonnes-chefs ou coryphées et celles qui n’ont point eu à subir l’avilissement du Pastos. Les autres sont surtout à plaindre, et c’est l’institution elle-même des loges androgynes dont il est nécessaire d’expliquer le fonctionnement, pour la dénoncer et la flétrir.

Je reviens à mon sujet.

Les recrues féminines sont, comme on pense bien, l’objet d’une enquête minutieuse. Ce sont surtout les sœurs qui se chargent de les attirer et de les décider. Sans faire connaître leur qualité de maçonnes, elles usent de leurs relations dans le monde profane. Elles s’adressent de préférence aux jeunes veuves et aux femmes séparées ou divorcées ; parfois aussi aux épouses coupables, dont elles ont surpris l’adultère, mais uniquement à celles qui s’y livrent par coquetterie, par libertinage, et non à celles qui ont failli à leurs devoirs sous l’empire d’une passion. Les femmes mariées qui deviennent sœurs maçonnes sont assez rares ; il en est, pourtant, dans les grandes villes. Ce sont alors les femmes qui sont négligées par leur mari, passant ses soirées au cercle ou ailleurs ; l’époux, frivole ou dominé par l’amour du jeu, est enchanté que madame aille de son côté prendre le thé chez une amie; cela lui évite des reproches sur ses rentrées tardives ; il ignore que madame et ses amies sont affiliées à la même loge, où elles se rendent ensemble, en se donnant mutuellement le mot, pour pouvoir expliquer, au besoin, par un mensonge concerté, l’emploi de leur temps. Ainsi se désagrège la famille, et dans quelles tristes conditions !

Quant aux frères maçons qui se font agents de recrutement, ils jettent leurs filets à peu près uniquement dans deux catégories de femmes.

C’est d’abord et surtout aux filles-mères, abandonnées par leur séducteur, qu’ils s’adressent ; et, de cette façon, aux dames du monde et de la bourgeoisie, des jeunes ouvrières se trouvent mêlées dans les loges androgynes. Il va de soi que ce ne sont pas les niaises qui sont recherchées, mais les intelligentes et coquettes. La pauvre abandonnée est mise en rapport avec deux ou trois dames, qui se montrent charmantes pour elle, prennent intérêt à son malheur ; ce sont, croit-elle, des dames patronnesses d’une œuvre de bienfaisance laïque ; en effet, elles se chargent de l’enfant et l’expédient au loin en nourrice. Puis, ces dames, toujours pleines de bonté, vont visiter la jeune ouvrière, l’attirent chez elles ; on lui prodigue les