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À l’en croire, en prenant ses mots dans le sens usuel, on y distribue des secours à l’indigence…

Des aumônes charitables ? Cela n’est pas vrai. Il est superflu d’expliquer que les loges, dans leurs tenues intimes d’initiation, surtout dans les tenues androgynes, restant strictement et rigoureusement fermées aux profanes, ne font pas exception en faveur des pauvres ; jamais on n’a vu un Vénérable interrompre la séance et faire ouvrir les portes du temple, pour en donner l’entrée à des indigents sollicitant des secours. Mais on pourrait croire que les frères, membres de la loge ou d’un autre atelier, sont autorisés, s’il en est d’infortunés parmi eux, à exposer leurs besoins et à réclamer assistance. Il n’en est rien, non plus.

En France, particulièrement, — puisque le discours dont je m’occupe ici est d’un officier du Grand Orient de France, — la maçonnerie n’exerce pas plus la charité en faveur de ses adeptes qu’en faveur des profanes ; quand un maçon, reçu lorsqu’il était dans l’aisance, se trouve tout à coup dans l’embarras, il est extrêmement rare qu’on lui vienne en aide ; il faut qu’il soit un gros bonnet de la secte, pour que le Tronc de la Veuve laisse échapper quelque argent en son honneur. Je n’ai guère entendu citer que le cas du F∴ Ali-Margarot, maire de Nîmes et membre du Conseil de l’Ordre, à qui le Grand Orient accorda des secours après sa déconfiture. Les simples maçons devenus malheureux, on les renvoie au comité de la loge, qui leur donne cent sous et les fait ensuite radier.

Telle est la règle, suivie en France. Et, pour couper court à toute discussion sur ce point, je rappellerai que le F∴ Bazot, officier du Grand Orient de France, a écrit ceci :

« Le maçon mendiant est un génie malfaisant qui vous obsède partout et à toute heure. Rien ne peut vous soustraire à son importunité, et son insolence ne connaît ni bornes ni obstacles. Il est à votre lever, au moment de vos affaires, à votre repos, à votre sortie. Son parchemin (son diplôme) est l’arrêt de mort de votre humanité. Mieux vaudrait rencontrer sa main armée d’un poignard ; vous pourriez du moins opposer le courage au glaive assassin. Armé seulement de son titre de maçon, il vous dit : « Je suis maçon, donnez-moi ; car je suis votre frère, et votre loi vous ordonne de me faire la charité ; donnez, ou je publierai partout que vous êtes un méchant et mauvais frère. » Donnez, maçons ; mais apprêtez-vous à donner sans relâche ; le guet-apens est permanent… » (Code des Francs-Maçons, page 176).

Dira-t-on que c’est là une hargneuse boutade d’un écrivain maçonnique manquant personnellement de charité ?

Voici en quels termes s’exprimait le F∴ Ragon, à qui le Grand Orient a décerné le titre d’auteur sacré de la Franc-Maçonnerie, parlant à Paris, le 1er  juin 1858, dans une conférence en chapitre de Rose-Croix :