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tion, tout cela peut être confondu par le curieux profane, et pourtant tout cela est parfaitement distinct.

À quoi servent les sœurs-maçonnes, les vraies ? me demandera-t-on.

Il m’est bien difficile de répondre clairement à cette question, étant donné la règle que je me suis imposée d’écrire un ouvrage de propagande acceptable dans les familles.

Je ne reproduirai donc ici aucun passage des instructions d’Albert Pike et autres grands chefs, concernant la maçonnerie féminine. Mais, comme il ne faut pas non plus se taire absolument, je vais donner un document qui sera sans danger dans cette publication. L’auteur de ce « morceau d’architecture » est un maître de premier ordre en l’art de dire les choses maçonniquement. Les gens d’âge comprendront ; cela suffira : ils sauront apercevoir les serpents cachés sous ces fleurs de rhétorique.

J’extrais ce document du livre l’Orateur franc-maçon, par le F∴ Willaume, officier du Grand-Orient de France. Ce livre est un recueil de discours prononcés dans les loges ; c’est une vaste compilation pour laquelle « les Maçons instruits, dit le compilateur dans sa préface, ont ouvert leurs riches portefeuilles » ; il a été « à même de puiser dans les archives des loges les plus laborieuses de Paris » ; il s’est attaché « à reproduire les morceaux les meilleurs et les plus propres à éclairer les jeunes Maçons », faisant appel, au surplus, « à la sagacité des lecteurs ». Le F∴ Willaume dit encore que « son recueil de discours maçonniques pourra servir de guide aux jeunes Orateurs[1] ».

Le discours que j’extrais de ce recueil officiel a été prononcé à Paris par le F∴ Orateur de la loge Thalie, après l’initiation de quelques dames ou demoiselles au grade d’Apprentie ; il venait à la suite d’une allocution du Vénérable, où celui-ci avait attaqué les moines et les religieuses, en tant que célibataires s’isolant dans les cloîtres ; un Orateur-adjoint avait, en second lieu, déclamé une petite harangue en vers, dont on nous laisse seulement entendre qu’elle fut fort galante à l’égard des aimables récipiendaires.

L’Orateur eut donc la parole, et voici ce qu’il débita, voici le « morceau d’architecture » qui est cité à titre de modèle de discours à prononcer en ces circonstances :

« Si jamais les devoirs du ministère qui nous est conféré nous ont paru difficiles à remplir ; si, plus d’une fois, notre faiblesse alarmée trembla de succomber sous le poids qu’ils lui imposent, c’est sans doute dans ce moment flatteur où l’œil de la beauté va calculer la propriété de nos expressions, et les mettre à leur juste valeur. Rassuré néanmoins par cette vérité constante, que plus la beauté porte en soi les caractères inhérents qui la constituent, plus la

  1. Le mot jeune ne s’applique pas à l’âge, mais à la qualité de débutant dans les fonctions maçonniques. C’est ainsi qu’on dit qu’un Apprenti est un jeune maçon, eût-il cinquante ans.