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moyen d’arrêter le cours des maladies déchainées dans une ville, telles que le choléra, les fièvres faciles à se communiquer, et de ramener la pluie, par exemple, quand une sécheresse prolongée devient par trop nuisible à un pays. Le raisonnement, en vertu duquel le grand-maitre de Calcutta a fabriqué son talisman, est véritablement diabolique.

L’objet, d’une forme extravagante, est en bois dur, dont une importante partie est assez épaisse pour qu’on ait pu y creuser une cavité d’une certaine profondeur. Tout cela est agrémenté de sculptures en relief : signes de cabale, emblèmes lucifériens, monstres divers, hiéroglyphes inimaginables ; on y remarque une tiare pontificale renversée, au-dessus de laquelle une sorte de magot chinois vomit ; ce dernier détail suffit à indiquer l’esprit de haine antichrétienne qui a présidé à la confection de ce monstrueux et abominable bibelot.

Mais cela n’est rien encore. Le plus monstrueux, le plus abominable, c’est cette cavité qui a été ménagée dans la partie épaisse du bois. Là, au fond, l’infâme Hobbs a placé une hostie consacrée. Dans sa rage de blasphème, il appelle ce creux : « la basse-fosse du traître ». Ceci se tient fermé hermétiquement au moyen d’un large et épais bouchon de liège, tout hérissé d’aiguilles dont les pointes touchent le Divin Corps de Notre-Seigneur ; il suffit d’une légère pression du bouchon, en appuyant sur lui avec le pouce, pour que les aiguilles s’enfoncent dans la sainte Eucharistie.

Ce talisman, le plus odieusement sacrilège que la perversion maçonnique ait imaginé, ne pouvait être passé sous silence. Il méritait, plus que tout autre, d’être signalé à l’indignation des honnêtes gens.

Le jour où Hobbs l’inventa, il soumit immédiatement son idée au vieux Pike, qui l’approuva. « Adonaï, disait Hobbs dans sa lettre, accable l’humanité de fléaux. Quand une catastrophe se produit, quand une épidémie décime une population, quand la sécheresse prépare la famine, c’est la main du Dieu des chrétiens qui agit là, c’est Adonaï et son Christ qui sont les coupables, eux toujours nos barbares persécuteurs. Laissons leurs adorateurs aveugles implorer la clémence de ces ennemis acharnés de l’humanité, laissons-les se morfondre en supplications aussi stupides que dégradantes. Nous, nous sommes fils de la lumière, nous avons pour guide la raison, et nous nous révoltons contre le mal. Le défi d’Adonaï et de son Christ, nous l’acceptons, nous le relevons, et nous répondons au Dieu Mauvais et au traître dont il a fait son Verbe : « Soit, vous persécutez les hommes, vous les faites souffrir et mourir ; eh bien, nous vous tenons à votre tour, et, si vous êtes immortels, du moins vous souffrirez, puisque vous avez voulu que ce pain devienne votre chair. » Le talisman de Hobbs fut solennellement consacré à Lucifer, dans une séance spéciale tenue au Sanctum Regnum de Charleston ; puis, il lui fut retourné, avec les plus grands éloges