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Tel était, par exemple, le fameux bracelet-talisman d’Albert Pike, si connu, au moins de réputation, dans les triangles (voir la figure, page 321). Ce bijou diabolique, qui est actuellement conservé au trésor du Sanctum Regnum de Charleston, est de deux métaux : la partie principale est de diverses pièces en or rouge, se touchant les unes les autres, et maintenues solidement par de très forts fils d’argent. Entre autres figures, découpées ou ciselées, on remarque le chiffre luciférien 7 et la lettre L, en caractère de l’alphabet des Mages (Luzaïn), initiale du nom du Dieu-Bon. À gauche de l’L magique, est un camée, enchâssé dans une monture d’or, et sur lequel est gravée la signature du démon qui indiqua à Pike la composition du bijou.

Albert Pike, je l’ai dit, ne résidait pas à Charleston ; aussi n’assistait-il pas régulièrement à l’apparition hebdomadaire de Lucifer. C’est pourquoi il se fabriqua ce talisman, en se conformant scrupuleusement aux prescriptions du génie infernal qui lui fut délégué par le prince des ténèbres.

Ce talisman lui obtenait l’apparition immédiate de Lucifer, en quelque endroit que, lui, Pike, se trouvât ; il y avait ainsi un pacte entre Satan et lui.

Pike agrafait ce bracelet à son bras gauche, et sur la manche de sa tunique de Mage. Il mettait le genou droit en terre, élevait la main gauche ouverte et légèrement renversée vers le ciel ; puis, il prononçait ces mots :

Eïnkoël !… Inglod !… Bagdev !… Imihaël !…

Il se prosternait alors, baisait la terre, et se relevait.

Debout, il disait encore :

Deus sanctus, excelsus excelsior !… Lumen de lumine!… Rex !… Pater!… Athanatos !… Tibi sum ! tibi sum ! tibi sum !… Eleïson imas, el-Gennaïth !… Imihaël !… Bagdev !… Inglod !… Einkoël !… Lucifer ! Lucifer! Lucifer !…

Au troisième appel de son nom, Lucifer apparaissait instantanément devant son vicaire, sans éclat de foudre, sans bruit, sans qu’il fût possible de dire d’où il venait de surgir.

On raconte que, la première fois que Pike fit usage du bracelet-talisman, Satan lui demanda :

— Qu’as-tu à me dire ?

— Rien, répondit le réformateur du Palladisme. Je voulais voir uniquement si le daimon qui m’a fait faire ce talisman ne m’avait point trompé et si tu répondrais vraiment à mon appel.

— Je ne puis pas, cependant, être venu ici pour rien, répliqua Satan. Tu sais que je t’aime, ô mon fils selon le cœur. Demande-moi quelque chose.

— Eh bien, transporte-moi dans la plus belle et la plus brillante des étoiles de notre île céleste, qui est Sirius, au dire des astronomes de ce globe planétaire.