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la première signification, je suppose, si vous ne la trouviez pas définie dans la rangée et que l’article fût conséquent pour vous. Je dis donc que la dame de pique est noble, mais en même temps je la trouve fille ou femme du monde ; je la fais tomber sur la carte suivante, qui signifie naissance ; je sais bien que cette femme est née, puisque-je lui parle. Raisonnons : cette femme vraisemblablement, tombant sur naissance, va peut-être m’instruire davantage ; je vois ensuite campagne, je dis naissance à la campagne ; mais, avant d’aller plus avant, est-elle mariée ? Je ne sais point, puisque rien ne l’annonce : le sera-t-elle ? Nous le verrons ; mais nous voyons déjà que cette femme est noble, née à la campagne, qu’elle ne se conduit pas bien, etc. »

Il faut avouer que les élèves d’Etteilla n’étaient pas difficiles en fait de clarté et de beau langage. On a peine à comprendre que de pareilles inepties aient jamais pu en imposer à qui que ce soit, et quand on les a lues, on ne peut que plaindre bien sincèrement les naïfs superstitieux, infortunées victimes du démon.

« Tirer des cartes pour y lire sa destinée, quelle duperie ! dit fort bien à ce sujet le R. P. dominicain Mathias de Giraldo, dans une très curieuse Histoire des Sorciers. Les sorciers et les sorcières qui les font parler ont continué de captiver la confiance de leurs dupes, en leur révélant d’abord quelques circonstances de leur vie passée, chose toujours facile à faire : car, parmi ces circonstances, il en est beaucoup qui s’appliquent également bien à la vie de tout le monde. Du passé on marche vers l’avenir, et comme la vie a ses lieux communs, c’est dans ces banalités que les diseurs et les diseuses de bonne aventure puisent leurs prédictions. S’il en est une sur mille qui se vérifie, le tireur de cartes est un devin, un sorcier, un prophète. Quant aux autres, on les oublie, à moins, ce qui arrive souvent, qu’on en attende la réalisation pendant un temps déterminé.

« L’argent qu’escroquent les tireurs de cartes est d’ailleurs le moindre de leurs méfaits : ils corrompent la raison de ceux qui les consultent ; ils les détournent souvent de leurs utiles travaux, en leur montrant des éventualités irréalisables, et tiennent les esprits faibles sous l’empire d’une stupide erreur, si ceux-ci n’ont reçu que de mauvaises prédictions en échange d’une trop menue pièce de monnaie.

« On cite des exemples de personnes dont l’imagination fut tellement frappée par les prophéties des jongleurs, qu’elles devinrent vraies par suite même de la frayeur qu’elles avaient inspirée.

« Un homme mourut à quarante ans, parce qu’une célèbre devineresse avait marqué ce terme à sa vie. Quelques jours auparavant, il avait été atteint d’une indisposition qui ne présentait aucun symptôme alarmant. La fatale prédiction lui revint en mémoire dans un accès de fièvre ; le délire