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espèces des choses par les idées, moyennant l’âme du monde (c’est-à-dire : le démon). » Écoutons Cahagnet, l’un de leurs oracles :

« Le magnétisme prouve mathématiquement la légitimité de la croyance aux talismans…

« Chacun de nous peut écrire une pensée sur un parchemin ou un morceau de papier quelconque, animer cette pensée de toute l’énergie de sa puissance, et faire porter ce talisman au malade ou au possédé sur le cœur : les effets en seront les mêmes que ceux des talismans les plus cabalistiques du monde.

« Tout peut servir de talisman, si tout est revêtu de la foi de l’opérant et de celle du croyant à son efficacité. »

Et Cahagnet, avec le précepte, donnait l’exemple.

Se sachant obsédé par un aréopage de magnétiseurs ennemis qui cherchaient à le tuer, ou tout au moins à le rendre fou, il s’appliquait sur l’estomac, pour conjurer leurs maléfices, un sachet magique, dont sa lucide Adèle lui avait donné la recette. Il se composait de branches de thym, de romarin et de rue, mises en croix dans un petit sachet en toile pendu au cou par un cordon.

Le magnétisme, du reste, ne se réclame-t-il pas d’une des ensorcelées et magiciennes les plus célèbres de notre siècle, connue sous le nom de la Voyante de Prévorst, qui, elle, faisait usage des talismans ? Disons en quelques mots son histoire.

Frédérique Hauffe naquit en 1801, dans le village de Prévorst (Wurtemberg), d’une famille qui avait eu des communications de soi-disants esprits de défunts ; son grand-père assurait qu’il avait fait sa fortune en suivant les avis d’un spectre. Favorisée d’apparitions dans sa jeunesse, Frédérique, une fois mariée, tomba de plus en plus dans des extases visionnaires qui devinrent pour elle une seconde vie. Elle habitait alors Weinsberg, où le docteur Kerner, savant distingué et médecin célèbre, de la sincérité duquel on ne saurait douter, la soigna et relata minutieusement les phénomènes extraordinaires dont il fut le témoin.

Ces phénomènes ressemblent beaucoup à ceux que nous avons vus se produire dans le presbytère de Cideville. Les objets placés autour d’elle se déplaçaient, s’entrechoquaient, s’élançaient d’une chambre à l’autre, ou s’élevaient en l’air comme mus par une force invisible. Elle évoquait dans des verres, dans des bulles de savon, les images des absents. Les agents mystérieux de ces phénomènes n’étaient pas seulement subjectifs, d’après Kerner, mais bien objectifs et réels. Kerner vit un jour, à l’endroit ou Frédérique indiquait un fantôme, une forme grise et incertaine.

Je ne veux entrer ici dans aucun détail touchant les apparitions des défunts vus par la Lucide de Prévorst : ces apparitions n’ont rien qui les distingue particulièrement de celles qui ont été rapportées au chapitre de la