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et de remèdes qui paraissent être naturellement sans vertu. Cependant, l’usage en était permis, si l’on pouvait croire que ces substances fussent douées de quelque vertu naturelle occulte, mais à la condition expresse qu’elles ne fussent accompagnées d’aucune invocation, d’aucun caractère ni d’aucun signe magiques. Selon saint Augustin, il fallait y apporter la plus grande prudence, et se défier d’autant plus des talismans, qu’ils semblaient être plus efficaces : « Quand on ignore la cause de cette efficacité, dit-il, il importe avant tout de voir dans quel esprit on s’en sert. » (De Doctr. Christiani, II, 29.)

De même, saint Augustin s’élève avec énergie contre l’abus qu’on faisait de son temps d’un talisman ayant une apparence religieuse et chrétienne : les cloches qu’on portait en amulettes.

À plus forte raison, l’Église condamnait-elle sévèrement tout usage de talisman évidemment entaché de quelque superstition ou de quelque cruauté diabolique ; tel, par exemple, ce talisman dont parle le savant Ugolin, dans son Thesaurus, une espèce de Téraphims, décrite, dit-il, par Gamaliel, précepteur de saint Paul : « On tuait un enfant nouveau-né ; on le décapitait ; on plaçait sous sa langue, salée et huilée, une petite lame d’or sur laquelle on écrivait le nom d’un mauvais esprit ; puis, suspendant cette tête à la muraille, on allumait des lampes devant elle, et, se prosternant à terre, on conversait avec elle. »

En 721, un concile tenu à Rome défend, sous peine d’excommunication, l’usage de ces bandes sur lesquelles sont écrits des versets des livres saints réunis à d’autres paroles superstitieuses. Au neuvième siècle, Léon-le-Sage condamne à mort ceux qui se servent de talismans.

Malgré les anathèmes et les condamnations de l’Église, l’usage des talismans ou amulettes n’en continue pas moins à régner en pays chrétiens, et il s’est perpétué jusqu’à nos jours. Le grand Pascal mourut portant cousue dans ses vêtements une inscription mystérieuse qui nous est parvenue. Charles-Quint se garantissait des vertiges en se mettant sur la tête un sachet rempli de poudre de vers-à-soie desséchée. Le R. P. Delrio rapporte que sous le règne de Henri III, presque tous les soldats de l’armée de reîtres qui passa en France, commandée par le baron Dhona et fut défaite par le duc de Guise, portaient des amulettes. On a conservé de nombreuses amulettes, sous forme de petites plaques de cuivre, gravées de plusieurs manières, ramassées par nos soldats de Crimée sur le champ de bataille jonché de cadavres russes.

Des médecins, et des plus illustres, tels que Galien, Liébaut, Fernel, Hartmaux, Boyle, Van Helmont, ont rempli leurs ouvrages de recettes talismaniques plus bizarres les unes que les autres. Il faudrait des volumes pour énumérer ces recettes merveilleuses. On peut, avec le Dictionnaire ency-