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Un autre témoin, venu à Cideville à l’improviste, passe une nuit dans la chambre des enfants, interroge le bruit mystérieux en imposant ces conditions au dialogue : un coup, par exemple, voudra dire oui ; deux coups voudront dire non ; puis, le nombre des coups signifiera le nombre des lettres, etc. Tout cela se frappe avec tant de justesse et de rapidité, que le témoin se voit obligé lui-même de conjurer l’agent mystérieux d’y apporter plus de lenteur, afin qu’il puisse vérifier tous ses dires, qui se trouvent enfin de la plus complète exactitude.

Cet ingénieux témoin, qui inventait ainsi ce procédé de dialogue avec les esprits, calqué peu de mois après dans toute l’Amérique et bientôt dans toute l’Europe, était M. de Mirville lui-même.

Un prêtre un vicaire de Saint-Roch de Paris, M. l’abbé L***, par hasard de passage à Yvetot, se transporte à Cideville, et voici qu’aux mêmes questions posées par son frère, entièrement inconnu comme lui dans le pays, les réponses arrivent avec la même rapidité, la même exactitude. Les mêmes phénomènes se reproduisent dans les réponses faites à deux propriétaires, MM. de V***, venus d’Eu tout exprès, et au docteur M***, de Bacqueville.

En même temps, le malheureux enfant qui avait été touché par le berger est en proie à des phénomènes non moins étonnants. Il manifeste tous les symptômes du cauchemar diabolique : envahissement du système nerveux, poids insolite sur ses épaules, compression de la poitrine, etc. De plus, il voit toujours derrière lui l’ombre d’un homme en blouse, qu’il dit ne pas connaître jusqu’au jour où, confronté avec Thorel, il s’écrie : « Voilà l’homme ! » Au moment où l’enfant accuse la présence du fantôme, un dos ecclésiastiques présents affirme avoir aperçu distinctement derrière lui une sorte de colonne grisâtre ou de vapeur.

Bientôt, l’état nerveux de l’enfant s’aggrave. Il tombe en convulsions, puis dans une sorte de syncope extatique qui fait croire à sa mort ; les assistants se mettent en prières, et, au bout de plusieurs heures, l’enfant revient à lui.

Un autre jour, il dit voir une main noire descendre par la cheminée, et s’écrie qu’elle lui donne un soufflet. Personne ne voit la main ; mais on entend le bruit du soufflet, on voit la joue devenir et rester longtemps rouge, et, dans sa naïveté, l’enfant s’élancer en dehors, espérant revoir cette main sortir par le haut de la cheminée.

Les prières ne paraissant pas suffisantes pour remédier à cet état de choses, un des ecclésiastiques réunis au curé de Cideville déclare avoir lu, dans un livre de science occulte, que ces ombres mystérieuses redoutaient la pointe du fer. Sur cette révélation, on se met à l’œuvre ; on se munit de longues pointes, et partout où le bruit se fait entendre, on les enfonce le plus lestement possible. La tentative paraissant infructueuse, on va y renoncer, quand un coup de pointe fait jaillir une flamme, et, à la suite de cette