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avait rencontré chez un de ses paroissiens malades un individu, nommé G***, célèbre dans tout le pays par sa réputation de guérisseur occulte et de docteur-ès-sorcelleries. Un malade s’étant assez mal trouvé du traitement mystérieux (il en était mort), le curé avait cru devoir formuler un blâme énergique et renvoyer le guérisseur. Mais celui-ci, n’en continuant pas moins son métier, se vit un jour appréhendé au corps et condamné à une ou deux années de prison. Furieux de cet arrêt, le sorcier jura de se venger du curé, qu’il accusait de sa mésaventure.

L’heure de la vengeance arrivée, le berger Thorel, disciple et ami de G***, fait entendre à son tour que M. le curé pourra bien s’en repentir, et qu’il se fera, lui Thorel, l’exécuteur des menaces de son maître.

Deux enfants, l’un de douze ans, l’autre de quatorze, se destinant à entrer au séminaire, sont élevés au presbytère de Cideville ; ils vont servir tout d’abord d’instruments à la vengeance de Thorel. On voit, à une vente publique, le berger s’approcher du plus jeune des enfants, et peu d’heures après, les phénomènes mystérieux apparaissaient.

Aussitôt après la rentrée de cet enfant, une espèce de trombe ou bourrasque violente vient s’abattre sur le malheureux presbytère ; puis, à la suite de cette bourrasque, des coups semblables à des coups de marteau ne cessent de se faire entendre dans toutes les parties de la maison, sous les planchers, sur les plafonds, sous les lambris. Ces coups sont souvent d’une force à ébranler la maison, à la faire tomber en démence (ruine), ainsi que le prophétise le berger lui-même. On peut les entendre à deux kilomètres de distance. Cent cinquante personnes de Cideville explorent la maison, sans pouvoir en découvrir la cause.

Ce n’est pas tout. Les carreaux se brisent et tombent en tout sens, les objets s’agitent, les tables se culbutent ou se promènent, les chaises se groupent et restent suspendues dans les airs, les chiens sont jetés à croix ou pile au plafond, les couteaux, les brosses, les bréviaires s’envolent par une fenêtre et rentrent par la fenêtre opposée, les pelles et les pincettes quittent le foyer et s’avancent toutes seules dans le salon, les fers à repasser qui sont devant la cheminée reculent, et le feu les poursuit jusqu’au milieu du plancher ; des marteaux volent en l’air avec force et se déposent avec la lenteur et la légèreté d’une plume sur le parquet ; d’énormes pupitres s’entrechoquent et se brisent ; un d’entre eux, chargé de livres, arrive violemment et horizontalement jusqu’au front d’un témoin honorable, M. R. de Saint-V***, puis, sans le toucher, tombe perpendiculairement à ses pieds.

Madame de Saint-V***, témoin de vingt expériences analogues, se sent un jour tirée par la pointe de sa mante, sans apercevoir la main invisible qui la tire ; le maire du village reçoit à son tour un coup violent sur la cuisse, et au cri que cette violence lui arrache, un être invisible répond par une caresse qui lui enlève toute douleur.