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ce que son père lui demanda ce qu’elle savait faire, elle lui dit qu’il se retirât un peu loin, et qu’elle ferait pleuvoir en tel endroit du jardin qu’il lui plairait. Et s’étant sur ce éloigné de sa fille, elle fit un creux en terre, dans lequel elle urina, et battit l’eau d’un petit bâton, en murmurant je ne sais quoi à part soi, et à l’instant il tomba une fort grande pluie au lieu que le père lui avait dit. La fille rapporta qu’elle avait appris ce métier de sa mère, laquelle le père déféra peu après à la justice, et la mauvaise femme fut brûlée. »

Un nommé Stœdelin, insigne sorcier, de Boltingen, diocèse de Lausanne, auteur de plusieurs désastres par des orages et par la foudre, fit devant la justice les aveux suivants : « Je suscite facilement des orages ; mais je ne puis faire du mal par la foudre qu’à ceux qui ne se munissent point du signe de la croix… C’est en prononçant certaines paroles, en invoquant le prince des démons pour qu’il envoie celui des siens qu’on désigne pour frapper ; transportés en rase campagne, nous lui immolons un coq noir que nous lançons en l’air ; il le prend et excite aussitôt un orage ; mais Dieu ne permet pas toujours qu’il se fasse dans l’endroit qu’on désigne. » Le juge lui demanda si on pouvait le conjurer, il répondit qu’on le pouvait par les adjurations de l’Église : Adjuro vos grandines et ventos, etc.

Les nombreux désastres causés par la puissance magique des sorciers, en Allemagne surtout, au quinzième siècle, décidèrent le pape Innocent VIII à fulminer contre eux sa bulle du 15 décembre 1484.

Charmes produisant la possession. — On en à déjà vu des exemples dans les diverses possessions dont j’ai rapporté brièvement l’histoire. Je n’en ajouterai qu’un nouveau, emprunté au Discours des Sorciers, de Boguet :

« Le samedi 15 juin 1598, Louise, fille de Claude Maillat, d’un village dépendant de Saint-Claude, âgée de huit ans, fut rendue impotente de tous ses membres, de sorte qu’elle était contrainte de marcher à quatre pattes, et tordait la bouche de la façon la plus étrange. Exorcisée le 19 juillet suivant, on découvrit qu’elle était possédée de cinq démons, disant se nommer : Loup, Chat, Chien, Joly et Griffon, qui sortirent de sa bouche, sous forme de pelotes, grosses comme le poing et rouges comme le feu. Françoise Secrétain, accusée d’avoir causé ce maléfice, avoua qu’elle avait donné ces cinq démons à Louise, en lui présentant une croûte de pain ressemblant à du fumier qu’elle lui avait fait manger. Elle avoua aussi qu’elle et le Gros Jacques Boquet avaient fait mourir Louis Monnerat par le même moyen, d’un pain qu’ils lui avaient fait manger, saupoudré d’une poudre blanche que le diable leur avait donnée ; qu’en outre elle avait fait mourir plusieurs vaches en les touchant de la main ou bien d’une baguette, en prononçant certaines paroles. »

On cite maints exemples de personnes possédées après avoir mangé des viandes, des pommes ou des noix à la sollicitation d’un sorcier ou d’une sorcière.