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Puis, Me  Jean Petit raconte dans le plus grand détail comment les trois magiciens allèrent prendre le corps d’un pendu, au gibet de Montfaucon, lui mirent ledict annel en la bouche, et ladicte espée et dague lui fichèrent au corps parmi le fondement jusques à la pectrine. » Après quoi, épée, dague et anneau furent rendus au duc d’Orléans pour parfaire le maléfice, ainsi que de la poudre des os du pendu « pour porter sur soy envelopez en un drapel ; lesquelz icelui duc porta par plusieurs journées entre chair et sa chemise, attachez à une aiguillette dedens la manche de sa chemise.

« Et le Roy fut si oppressé de maladie par une espace de temps qu’il apparoit mieulx mort que vif… disant tantost, après qu’il pot parler : « Pour Dieu ostez-moi cette espée qui me transperce le cuer. Ce m’a fait beau frère d’Orléans. »

Il ne faut pas oublier, en lisant les citations qui précèdent, qu’elles sont textuellement tirées du plaidoyer prononcé en public par le cordelier Me  Jean Petit, devant le tribunal chargé de juger le duc de Bourgogne comme assassin du duc d’Orléans.

Un des faits historiques les plus curieux en ce genre est celui qui est raconté avec de grands détails dans les Amusements des Eaux de Spa (tome IV, pages 30 et suivantes) :

En plein dix-huitième siècle, fut découverte une conspiration contre la vie des rois de France et d’Espagne, qu’on voulait faire périr de langueur par la vertu magique de l’envoûtement. « Elle fut découverte, dit le narrateur, par le consul de France à Livourne, et j’étais chez M. le cardinal de Janson, lorsque le courrier dépêché par le consul français lui apporta la relation de cet exécrable attentat, médité, disait-on, par le consul d’une des premières puissances de l’Europe. Le principal acteur de cette pièce était un mauvais prêtre, habitué de Notre-Dame de Mortevero, nommé Dom Giovanni Gastioni, natif de Burgue et sujet du grand-duc de Toscane. Ce misérable s’était associé un génois, conseiller du grand-duc, et quelques personnes moins connues dont j’ai oublié les noms. Le consul de… à Livourne, nommé M. Et…, leur prêta sa maison, et attira dans ce complot son vice-consul qui était anglais. Ce grand œuvre ne fut pas l’ouvrage d’un jour ; on en passa plus de quinze à en faire les préparatifs. On feuilleta tous les grimoires que l’on put trouver, entre autres les livres de Cornélius Agrippa, la Clavicule de Salomon, etc., et on n’omit aucune des profanes rubriques que ces auteurs prescrivent ; on travailla à l’aube dont ce mauvais prêtre devait se revêtir ; on fit avec beaucoup de cérémonies les bougies qui devaient être allumées et bénites par ce scélérat, et on prépara la cire dont on devait former les figures de Leurs Majestés très chrétiennes et catholiques ; on maléficia l’encens que l’on mit dans un encensoir de terre fait d’une certaine façon, et enfin le consul de… fournit et paya tout-ce qui devait servir à cet abominable usage. »