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« Le moine refusa son ministère pour de pareilles opérations, remontra que c’était mal fait d’y avoir créance, que cela ne convenait point à si hault homme comme il estoit, vous le voulez faire sur le Roy et sur la Royne, qui sont les personnes du monde qui plus vous peuvent ramener à honneur. »

« Monsieur Robert répondit : « Je ameroie mieux estrangler le dyable que le dyable m’estranglabt. »

« Robert, voyant que le moine ne voulait point se prêter à ce qu’il lui demandait, le chargea de lui trouver quelqu’un qui fit ce baptême. Frère Henry s’excusa et lui dit d’envoyer chercher celui qui avait baptisé l’autre. « Il est venu de France », répliqua Robert, voyant qu’il ne pouvait engager le moine.

« Ces dépositions de frère Henry, faites juridiquement le 31 janvier 1334, en présence de plusieurs évêques et chanoines, furent confirmées par une autre déposition que Jean Aimery, prêtre du diocèse de Liège, aussi prisonnier dans les prisons de l’évêque de Paris, fit le même jour en présence des mêmes personnes. Il déposa que Messire Arnoul de Courtray, chanoine de Saint-Albin-de-Namur, lui proposa de s’attacher à M. Robert d’Artois, qui lui donnerait cent et cent mailles d’or. « Quel service li porroie-je faire ? dit le prêtre, pour gagner si grand avoir ? Je n’ay point accoustumé à recevoir tel guain ny si graut. Je me suis bien tenus apoyéz, et oncquorres fais, quand je puis gaagnier huit deniers ou douze ou quatorze le jour à chanter ma messe. » Messire Arnoul répliqua : « C’est Roy de France, M. Robert le fit Roy, ne n’eust oncques esté Roy si ce ne feust M. Robert d’Artois. Vous estes un homme qui avez esté par tous pays, et oultre les monts et ailleurs, si avez moult veu et sieu des choses que plusieurs ne sceavent mie : et se vous voulez faire ce que l’on vous dira, le Roy de France ne sera pas Roy dedans un an. — Et comment ? respliqua le prêtre. — Vous sçavez bien, lui dit-on, faire manies ou sorceries, ou autres choses par quoy le Roy porra mourir briesvement. » Cette proposition irrita le prêtre ; il dit au chanoine qu’il prit le profit pour lui, et qu’il fit l’affaire, qu’il devait en savoir plus que lui.

« Cette tentative n’ayant pas réussi, M. Gautier, l’avoué de Huy, en fit une seconde. Le prêtre n’accueillit pas mieux cette proposition que celle d’Arnoul de Courtray. Il dit à l’avoué qu’il ne ferait jamais telle entreprise, qu’il ne savait point faire ce qu’il lui proposait, que quand il le saurait, il ne le ferait pas pour tout l’argent du monde, spécialement envers le Roy. « Si je voulais faire maléfice, ajouta-t-il, j’aurois plus chier de murtrir de glaive les hommes par les chemins que faire si faite mauvestie… Vous avez M. Jean Scaser prêtre, et Frère Henry Sagebran qui sont tout vostres, et à vostre commandement, et plusieurs aultres qui doivent plus sçavoir de teles