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Ces flammes, sortant furieuses, variaient de couleur, rouges, jaunes, vertes, blanches, tour à tour, et elles ne consumaient pas l’objet d’où elles s’élançaient, mais elles produisaient dans la salle une terrible chaleur. Par moments, elles se calmaient et gardaient les proportions de flammes ordinaires ; mais, parfois, brusquement, elles formaient comme un triple serpent de feu, qui s’allongeait vers nous, se balançait dans l’espace ; les extrémités affectaient même, de temps en temps, de prendre la forme de têtes de tout autant de reptiles, avec le dard. C’était un spectacle saisissant, et, si ce n’était là qu’une opération de physique, je suis obligé de reconnaître qu’elle fut admirablement réussie devant moi.

Cependant, ainsi que je l’ai dit plus haut, j’avais, dans ma visite de l’après-midi, soigneusement examiné la colonne de granit, et j’ai gardé l’opinion que ces flammes ne sortaient pas de là. Alors, d’où venaient-elles, puisqu’il n’y avait aucun combustible dans la boîte crânienne ?… Le dilemme se pose et s’impose : ou jonglerie de physique amusante, exécutée avec une habileté parfaite ; ou manifestation des flammes mêmes de l’enfer. Sans me prononcer d’une façon absolue, j’admets sur ce point l’absence de supercherie.

Le plus extraordinaire, c’est que ce crâne parlait tout en vomissant des flammes ; les mugissements du feu étaient entremêlés de blasphèmes criés d’une voix forte et stridente.

Ce fut alors qu’Albert Pike posa des questions à la prétendue tête de Jacques Molay, et il y fut répondu, non par mots entrecoupés, mais par phrases bien suivies, bien cousues les unes aux autres, ainsi qu’un orateur aurait parlé ; seulement, ici, l’orateur invisible avait une voix qui n’avait rien d’humain.

La durée du phénomène fut d’une bonne heure, au bout de laquelle le crâne s’éteignit, et le docteur Gallatin Mackey reprit ses sens, tandis qu’on rallumait les flambeaux de la salle.

— Frères et sœurs, dit Pike en prononçant la clôture de la séance, n’oublions pas que nous avons prêté serment de venger ce saint martyr ; n’oublions pas qu’après avoir frappé de mort la Royauté, nous devons exterminer l’Église ; n’oublions pas que nous sommes les ultionnistes du Palladium… Bonne justice par Lucifer !

Et l’assistance clama en chœur :

— Bonne justice par Lucifer !


Tel est, à mon sentiment, le dernier mot du spiritisme contemporain. Ses manifestations, on le voit, fluctuent invariablement des Vocates Procédants aux Vocates Élus ; l’épisode du F∴ Constant, que j’ai rapporté tout à l’heure, est le trait d’union entre ces deux classes d’adeptes, qui agissent les uns et les autres, quoique différemment, par l’inspiration de Satan.

S’il y a des charlatans, qui trompent, et des hallucinés, qui s’imaginent