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Bien entendu, il fallait être trente-troisième écossais ou bon palladiste pour assister à ces soirées intimes, demi-maçonniques, demi-spirites, et voir le médium mâle ou femelle mettre le squelette « en état de pénétration ; » car, dans tout Suprême Conseil qui fait bien les choses, on dédaigne les tournoiements de tables, mais l’on fait écrire le squelette.

Pour les lecteurs qui ne comprendraient pas, je dois expliquer que l’accessoire indispensable d’un Suprême Conseil est un squelette, planté debout dans la salle des séances, lequel tient d’une main un poignard et de l’autre le drapeau du rite. Ce squelette est articulé et pourvu d’un mécanisme, dont l’effet est de lui faire agiter, à un moment donné, le poignard sur la tête du récipiendaire ; le prix d’un squelette de ce genre est, d’ordinaire, de 600 francs ; on le trouve, notamment, sur le catalogue du F∴ Teissier, fournisseur parisien très renommé.

C’est pourquoi, nos hauts-maçons anglais et américains, à leurs séances de spiritisme, débarrassèrent le squelette du Suprême Conseil de son drapeau et de son poignard, et prièrent divers esprits, à tour de rôle, de vouloir bien se servir de cet intermédiaire pour répondre à quelques questions.

Le squelette, si l’esprit évoqué daigne répondre à l’appel, s’anime donc ; il va et vient ; s’il s’agit d’un esprit folâtre, le squelette exécute des cabrioles (cela s’est vu) ; si c’est, au contraire, Moloch qui pénètre le squelette, les assistants ont des chances de recevoir quelques horions, car Moloch est un diable le plus souvent de très mauvaise humeur.

Le 1er  décembre, ce fut Asmodée qui consentit à rendre intéressante la soirée ; grâce à la présence d’une personne que je ne veux pas désobliger en la nommant, Asmodée ne se fit aucunement prier. On lui demanda de donner l’état des principaux « daimons » opérant dans tels et tels pays. Le squelette s’approcha d’une table ; on lui passa une plume, de l’encre, du papier, et il écrivit les noms désirés.

Voilà un exemple qui prouve bien que le spiritisme est essentiellement satanique. Qui, si ce n’est un des princes du royaume infernal, pouvait faire une semblable communication ?

J’ai réussi à obtenir un extrait de cette communication des plus étranges, c’est-à-dire la déclaration d’Asmodée concernant la France. Je la reproduis telle quelle. Je n’ai pas l’original, qui est déposé aux archives du Suprême Conseil de Londres, mais j’ai une copie dont l’authenticité est au-dessus de toute contestation possible.

En somme, ce sont là les chefs-diables actuellement en station dans notre pays. Ils sont classés par provinces, chacune correspondant à un archevêché et à ses évêchés suffragants. Ils ont un grand chef général, un Conseil d’administration et de discipline. Ils dirigent évidemment des milliers de diablotins dans leur œuvre de mal, de perdition des âmes. Cette milice n’est pas nouvelle, comme organisation ; nous avons tous, auprès de nous, un