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homme ; il sait que, dans quelques mois, ses facultés lui seront accordées de nouveau ; il sait que Pie IX n’est pas saint Pierre, quoiqu’il passe n’être qu’un avec ce vainqueur d’Apollonius de Tyane. (Il veut, sans doute, dire Simon le magicien.) Si Youme s’élève en l’air, le plus puissant des arcanes de l’Église de Dieu en pourra peut-être faire redescendre à terre ce maudit américain. Ce sera un affront. Ce coquin de médium est capable de soustraire toutes les hosties consacrées du saint tabernacle, sans en ouvrir la porte. Il ne faut pas qu’un tel scandale arrive dans Rome ! »

Si la conversion de Hume eût été sérieuse, de telles paroles l’eussent plutôt déterminé à se séparer à jamais d’hommes capables de déverser sur l’Église catholique et son souverain chef des sarcasmes aussi impies. Mais Hume avait son plan ; il espérait que le P. de Ravignan, si connu pour sa charité et sa mansuétude, fermerait les yeux sur sa conduite, et que, sous le couvert de ce nom respecté, il pourrait accréditer en France les merveilles du spiritisme et continuer son apostolat infernal. Ce qui ne laisse aucun doute sur ce point, malgré les protestations de Hume dans ses Mémoires[1], c’est le récit suivant, écrit par le P. A. de Ponlevoy, dans sa biographie du R. P. Xavier de Ravignan (t. II, p. 298) :

« Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans faire mention de ce fameux médium américain, qui avait le triste talent de faire tourner autre chose que les tables et d’évoquer les morts pour divertir les vivants. On a beaucoup parié, même dans les journaux, de ses rapports religieux et intimes avec le P. de Ravignan ; et l’on a semblé vouloir, sous le passe-port d’un nom accrédité, introduire et consacrer en France ces belles découvertes du nouveau monde.

« Voici le fait dans toute sa simplicité. Il est très vrai que le jeune étranger, après sa conversion en Italie, fut adressé et recommandé de Rome au P. de Ravignan ; mais, à cette époque, en abjurant le protestantisme, il avait aussi répudié sa magie, et il fut accueilli avec cet intérêt qu’un prêtre doit à toute âme rachetée du sang de Jésus-Christ, et plus encore peut-être à une âme convertie et ramenée dans le sein de l’Église.

« À son arrivée à Paris, toutes ses anciennes pratiques lui furent de nouveau absolument interdites. Le P. de Ravignan, d’accord avec les principes de la foi qui proscrivent la superstition, défendait, sous la peine la

  1. « Si le reste de l’ouvrage n’est pas plus exact que ce qui précède, dit Hume, après avoir cité le récit du P. de Ponlevoy, il ne vaut certainement pas la peine d’être lu. Le bon P. de Ravignan savait bien que je n’étais pas américain… Il savait aussi que je n’invoquais jamais les esprits. Il n’est pas et il ne sera jamais nécessaire d’avoir un nom important pour accréditer une vérité qui vient de Dieu, et j’étais trop bien instruit du pouvoir des faits pour penser qu’ils eussent besoin, pour passe-port, même du nom du P. de Ravignan. Son biographe doit avoir reçu une bien pauvre éducation en théologie et en histoire, pour oser écrire que le spiritualisme est une belle découverte du nouveau monde, lorsqu’il est constant qu’on en retrouve la trace en n’importe quelle contrée de la terre dont l’histoire fasse mention… » Je laisse au lecteur de décider entre le témoignage du saint religieux et le démenti du médium apostat.