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désirée de son trépas. À son entrée dans l’Illyrie, il rejette complètement le masque, et abjure publiquement le christianisme. « Les dieux m’ordonnent, écrit-il, de rétablir leur culte dans toute sa pureté ; je leur obéis de tout mon cœur. » Le jour de l’Épiphanie (6 janvier 361), par un dernier acte d’hypocrisie, il s’était encore associé aux prières des chrétiens.

Il se préparait à attaquer la Thrace, lorsque Constance mourut subitement en Cilicie (3 novembre 361). Au moment même où il expirait, un soldat tombe en aidant Julien à monter à cheval ; aussitôt on entendit Julien s’écrier : « Il est par terre celui qui m’a élevé au faite. »

On sait le reste : comment sur les pas de Julien, les autels des idoles se relevèrent, comment le palais du nouvel empereur devint le réceptacle de toutes les superstitions, de toutes les impuretés païennes, le théâtre des pratiques les plus odieuses de la magie satanique. Julien étalait sans pudeur les images de la débauche, en allant adorer les dieux immortels « entouré de courtisanes », dit Ammien. La cour était pleine de philosophes et de gens perdus, reconnaît Gibbon. On voyait à Constantinople les statues de ses bâtards.

Dans plusieurs de ses lettres, Julien lui-même parle, en termes couverts, de certaines cérémonies mystérieuses, pratiquées dans l’ombre de la nuit, de sacrifices aux dieux mânes, aux dieux infernaux. Sa prédilection pour le culte de Cybèle, la mère des dieux, est assez significative. On connait l’histoire de cette déesse et du berger Atys, qui, ayant un jour préféré une nymphe à la déesse, fut mutilé par Cybèle : en mémoire de ce haut fait, ses prêtres se faisaient la même mutilation ; les païens eux-mêmes les regardaient comme infâmes. Un des plus grands éloges que Libanius a faits de Julien, c’est de nous le montrer « en commerce avec les daimons, instruit par les daimons, assis avec les daimons ».

Voici, tracé par saint Chrysostome, le tableau de la cour de Julien :

« Une fois empereur, Julien découvrit au grand jour la superstition qu’il avait jusque-là tenue secrète. De toutes parts furent envoyés des édits ordonnant que les temples des idoles fussent restaurés, leurs autels relevés, les anciens honneurs rendus aux démons. Magiciens, opérateurs de prestiges, devins, aruspices, ménagyrtes, tous les marchands de prodiges accoururent de tous les coins du monde ; on vit le palais lui-même se remplir d’infâmes et de vagabonds. Ceux qui autrefois mouraient de faim, ceux qu’on surprenait en flagrant délit de maléfices et d’empoisonnements, ceux qui pouvaient à peine gagner leur vie dans des métiers sordides, devenus prêtres et devins sacrés, furent en grand honneur. L’empereur conduisait autour de lui, à travers la ville et les faubourgs, un troupeau d’hommes efféminés et de prostituées arrachées à leurs repaires ; le cheval impérial et les prétoriens suivaient de loin par derrière. Hommes perdus et femmes perdues, tout le troupeau des