Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En même temps, pour déjouer tout soupçon et désarmer la colère de Constance, il remplissait assidûment ses fonctions de lecteur à Nicomédie, se faisait raser, se couvrait d’un froc. « Le lion, dit Libanius, empruntait la peau d’un vil animal » ; il parvint ainsi à rassurer Constance, à rassurer son frère Gallus ; il est probable que le secret des conciliabules de Nicomédie, de Pergame, d’Éphèse et d’Athènes ne transpira pas jusqu’en Italie.

Nous ne suivrons pas Julien, devenu César, dans ses campagnes victorieuses contre les barbares, Germains ou Francs, envahissant la Gaule romaine, campagnes dont il rapportait tout le succès à la protection de Bellone, la déesse de la guerre. À son entrée dans les Gaules, une vieille femme aveugle s’écria prophétiquement qu’il relèverait les temples des dieux. Les Thermes de Julien, dont Paris a conservé les ruines, furent témoins des entretiens que le disciple de Maxime avait journellement avec les puissances infernales.

« Le César, au moyen des daimons, dit Libanius, savait tout ce qui se passait jusqu’aux extrémités du monde, et, son corps ne lui permettant pas de s’élever jusqu’au ciel, les dieux descendaient sur la terre pour converser avec lui. Ils étaient son conseil et sa garde. »

Cependant, l’exécution des oracles qui lui assuraient l’empire tardait trop au gré de son impatience. Sans attendre la mort de Constance, il résolut de s’emparer du pouvoir. Pendant une nuit, les soldats courent aux armes, bloquent le palais et proclament Julien auguste (avril 360). Nous savons par Eunape toute l’histoire de cette conspiration militaire, et comment Julien se couronna lui-même, tout en protestant de son innocence et en se posant en victime de la violence qui lui était faite. Jamais conjuration ne fut mieux démontrée. Eunape nous révèle que le grand-prêtre d’Éleusis fit à cette occasion un voyage dans les Gaules et ne fut point étranger à cette révolution. Constance ne consentant point à partager l’empire avec cet auguste improvisé, sa mort fut dès lors résolue. Ammien Marcellin raconte qu’une nuit, Julien, à demi-éveillé, vit un fantôme brillant qui répéta plusieurs fois ces quatre vers en langue grecque :

« — Lorsque Jupiter sera à l’extrémité du Verseau, et que Saturne entrera dans le 25e degré de la vierge, Constance, empereur d’Asie, finira tristement ses jours. »

Au moment même où il perdait sa femme Hélène, sœur de Constance, qu’on l’a soupçonné d’avoir empoisonnée, il s’amusait, au moyen de la science augurale et des songes, à présager le prochain trépas de Constance.

Quoi de plus clair que cette lettre écrite par Julien à son médecin Orébase, peu de temps avant son départ des Gaules :

« Je viens d’avoir un songe, que je regarde comme une prédiction certaine. Je voyais un arbre très haut. Il sortait de sa racine un jeune arbuste… Je