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Athénée, décrivaient ces rites. Ces sacrifices avaient lieu le jour qui suivait celui de la nouvelle lune, réservé aux dieux, et vers le soir.

C’est surtout chez les Romains que ce culte des mânes ou âmes des morts fut en honneur et revêtit un caractère de plus en plus terrible et diabolique. L’esprit de l’Orient, de l’Égypte et de Samothrace respire tout entier dans la doctrine étrusque des esprits, adoptée par les fils de Romulus.

Dans cette doctrine, chaque famille, chaque homme, chaque ville, chaque maison, chaque individu à son démon ou génie ; partout où des hommes habitent ensemble, un génie est présent ; chaque foyer a son dieu lare (maitre et seigneur). Suivant Apulée, les esprits qui jadis, comme âmes, avaient habité des corps humains, se nommaient « lémures ». Si, à cause de ses fautes durant la vie, l’esprit ne trouvait dans la mort aucun lieu où se reposer avec plaisir, il apparaissait comme un fantôme, comme une « larve » ; mais, comme on ne pouvait décider avec certitude quel sort avait été le partage d’un défunt, on lui donnait le nom indéterminé de dieu-mâne.

Les lares ou mânes, analogues aux génies, démons et héros de la Grèce, présidaient à toutes les transactions des hommes, aux affaires de l’État comme à celles des particuliers. Tout ce que renfermait la maison était confié à leur garde ; aussi le symbole naturel des lares était le chien, et les idoles qui les représentaient étaient souvent couvertes de peaux de chien. L’autel où l’on sacrifiait aux lares était le foyer : ils avaient aussi leurs chapelles ou sanctuaires domestiques, le lararium, avec des esclaves préposés à leur entretien.

Des fêtes publiques étaient célébrées en leur honneur, les Lalaria, les Compitalia (en l’honneur des lares des carrefours). Des enfants y étaient immolés en sacrifice à la déesse Mania, la mère des mânes, pour le salut des familles. Nous savons par Macrobe que ce fut Junius Brutus qui, après l’expulsion des Tarquins, introduisit une nouvelle forme de sacrifices, où des têtes d’ail et de pavot furent substituées aux têtes humaines.

Les Lemuralia furent instituées par Romulus lui-même, pour apaiser l’âme de son frère Remus, qui, sous la forme d’un malin esprit, apparaissait dans Rome en lui annonçant des malheurs. Entre autres cérémonies destinées à conjurer les esprits malfaisants, on jetait des fèves par la fenêtre. Du temps de Numa, les Lémurales ayant été un instant abolies, Rome fut envahie par la peste et par des nuées de fantômes poussant d’affreux hurlements.

Il eût été étrange qu’il ne se fût pas mêlé à ces superstitions diaboliques quelque élément impur et obscène. « Le génie, dit Festus, à le droit de tout faire dans la maison. » C’est en vertu de ce droit que le dieu lare se manifestait quelquefois au foyer domestique sous la forme du lingam. Ocrisia, mère de Servius Tullius, passait pour avoir eu ce fils de son union avec le dieu lare, ayant pris cette forme obscène.