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le froid le plus intense, que son corps lui semblait d’une légèreté extrême ; ses yeux se fermaient à chaque instant, malgré lui ; alors, il était assiégé par une foule d’images gracieuses, il se croyait transporté dans des jardins délicieux, voyait des arbres, des prairies, des ruisseaux, etc.

Dans l’épilepsie, on rencontre les hallucinations avant ou après l’accès. Le plus souvent elles sont un des phénomènes précurseurs de l’attaque ; elles précèdent alors, d’un temps variable, la perte de la connaissance. Plusieurs épileptiques, à l’approche de leurs accès, voient des corps lumineux, entendent des bruits semblables aux éclats de la foudre, sentent des odeurs fétides. Quelquefois, il leur semble qu’on les frappe. Toutes ces hallucinations leur inspirent la plus grande terreur ; de là ce caractère d’effroi, d’indignation, qu’on observe sur leur physionomie. Des hallucinations du tact se montrent assez souvent dans l’épilepsie dite sympathique. Ce sont elles qui constituent en partie le phénomène de l’aura et qui se manifestent alors par des sensations de froid, de chaleur et de chatouillement. Delasiauve a constaté 13 fois des hallucinations sur 28 épileptiques de son service à Bicêtre.

Que l’on dise lésion organique ou maladie, il y a donc toujours une cause naturelle à l’hallucination, parce que l’hallucination, sauf le seul cas de trouble cérébral causé expressément par le diable, est essentiellement une chose naturelle. La nature est bien là. Des observations intéressantes, ainsi, ont été faites, dans lesquelles le délire sensoriel paraissait tenir, soit à la composition anormale du liquide sanguin, comme dans la chlorose, l’anémie, la pléthore, dans quelques inflammations aiguës ou chroniques, soit, enfin, au trouble apporté à la circulation du sang, comme dans le rétrécissement des valvules ventriculaires, l’hypertrophie du cœur, etc.

Si l’individu est sain, il pourra néanmoins être halluciné, mais dans certaines circonstances particulières et exceptionnelles, et la cause encore sera tangible.

Le froid extrême produit parfois des illusions étonnantes, viens-je de dire. Il en est de même d’une température trop élevée. Les personnes qui ont voyagé au long cours connaissent ce que nous appelons « calenture » : c’est un délire sensoriel tout spécial qui frappe les marins lorsqu’ils arrivent sous la ligne de l’équateur ou dans le voisinage des tropiques ; le malade voit l’eau se transformer en prairies, en jardins, en forêts magnifiques ; il est pris d’un irrésistible désir d’aller s’y promener.

L’obscurité prolongée, les ténèbres épaisses peuvent favoriser encore le développement des hallucinations ; de même, l’asphyxie par le charbon ; de même, les excès de boissons, l’absorption des narcotiques ; de même, la prolongation extrême d’une même sensation, la concentration extrême de l’attention ; de même, la solitude dans certains cas, l’isolement absolu ; accompagné de la poursuite d’une idée fixe.