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C’est moi qui ai tué ta première épouse, par jalousie, et ta seconde épouse, pour te rendre service… Veux-tu de moi pour épouse immatérielle ? Veux-tu t’unir spirituellement à moi ? »

Wladimir, de plus en plus surpris, au fur et à mesure que la table s’exprimait, demanda à réfléchir. Il ne s’attendait pas à ce qui lui arrivait. En somme, il était flatté d’être aimé d’un esprit-femme ; mais il n’avait jamais envisagé la perspective d’un mariage de ce genre.

Les jours suivants, il eut de nouvelles conversations avec sa table-gigogne.

L’esprit-femme lui apprit qu’il, ou, si vous aimez mieux, qu’elle avait décidément établi sa résidence dans ce meuble, et que c’était sous cette forme qu’elle ferait ménage avec lui, s’il consentait à lui accorder sa main.

Wladimir demeura quelque temps perplexe.

S’il eût été un bon catholique, il serait allé consulter un prêtre, et le ministre de Dieu aurait eu bientôt mis ordre à cette fantasmagorie diabolique. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le prétendu esprit-femme logé dans la table-gigogne était ni plus ni moins un démon, et nullement une âme-sœur, encore moins un peresptit. Une aspersion d’eau bénite, un exorcisme, voilà ce qui aurait promptement clos l’incident et rendu le calme au cerveau de Wladimir, hanté par une des plus absurdes superstitions.

Mais ce fut à ses amis médiums que Wladimir s’en vint faire part des déclarations si surprenantes de sa table-gigogne. Ceux-ci, n’ayant pas compris grand’chose à la première manifestation qui s’était produite en séance à l’égard de leur collègue, voulurent vérifier par eux-mêmes le fait. Seulement, en leur présence, la table demeura immobile et muette ; d’où ils conclurent entre eux que Wladimir était halluciné. Il ne l’était pas du tout. La vérité est que le diable, capricieux, comme on sait, ne daignait pas se déranger pour eux.

Entre eux, ils se dirent encore que, puisque leur collègue croyait fermement à la présence d’une âme-sœur dans sa table, il ne fallait pas l’en dissuader, et que c’était une occasion superbe de lui faire payer un festin pantagruélique.

Ils l’engagèrent donc à épouser sa table-gigogne, puisqu’elle le désirait tant.

Je n’invente rien ; cette histoire est absolument véridique, quoique interprétée de diverses façons. Le mariage de Wladimir avec une femme-esprit résidant dans une table-gigogne est un fait qui appartient aux annales du spiritisme parisien ; je ne sais s’il a été ou non mentionné dans quelque revue spirite, mais je le tiens d’une personne grave, très sérieuse, connaissant plusieurs des membres du groupe de Wladimir.

La noce a eu lieu dans toutes les règles, à Paris, quelque temps avant