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manifeste qu’il fut sauvé de l’abîme où l’entraînait une mort honteuse par la vertu du bienheureux apôtre. » (De gloria Martyrum, lib. I, cap. xxix.)

Il suffit de jeter un coup d’œil sut les mutilations opérées dans ce récit par Michéa pour voir comment un miracle, attesté par l’autorité d’un saint se fondant sut la tradition, peut être transformé par un docteur mécréant en une simple hallucination.

Encore reste-t-il assez de la réalité du récit dans la version tronquée du physiologiste pour saisir sur le fait le vice de son application et la fausseté de ses convulsions. Après avoir retranché du fait tout ce qu’il a pu du côté surnaturel, c’est-à-dire le miracle de saint Paul et l’obsession démoniaque du pauvre homme qui va se suicider s’il n’est miraculeusement sauvé du ciel, Michéa ne voit dans cette lutte si pleine de réalité dramatique que celle des idées claires et des idées confuses dans une âme perplexe, et en qui cette perplexité finit par produire une hallucination naturelle.

Seulement, en dépit même de mon adresse, qui ici est de la mauvaise foi, Michéa peut être facilement réfuté.

Et d’abord, demanderai-je au matérialiste docteur, où voit-il dans ce fait des idées claires et des idées confuses ? D’après lui, l’idée confuse, et à ce titre non avenue de l’halluciné, serait l’idée du suicide. Mais il me semble, et tout lecteur sensé sera de mon avis, que rien n’est plus clair, plus précis que le langage du diable : rien de plus saisissant, même pour les yeux du corps, que ces deux fantômes « dont les traits, dit le saint, ressemblaient à ceux du diable ». La tentation est aussi claire que la résistance du patient et son appel à la protection d’en haut. Il n’y a de confusions et d’obscurités que celles que Michéa a bien voulu y mettre, pour se donner l’occasion, d’échafauder une théorie dont la subtilité et le vide n’échapperont à personne.

Ce qui le gêne dans un fait qu’il ne peut s’empêcher de trouver « fort singulier », c’est uniquement l’idée, fort confuse pour lui sans doute, de l’obsession diabolique et du miracle qui vient y mettre fin.

Ce qu’il ne peut accepter, c’est ce fait surnaturel qui crève les yeux par sa clarté et son universalité dans toute l’histoire du christianisme, la lutte entre les esprits de ténèbres et les esprits de lumière autour de l’âme de l’homme, que n’expliqueront jamais les plus subtiles hypothèses de la science matérialiste.

Les explications de Michéa tombent également à plat devant un autre fait qu’il emprunte non plus à un saint, mais à un savant, le docteur Sulzer, qui le raconte ainsi dans les Mémoires de l’Académie de Berlin :

« J’ai connu un homme d’une grande probité, d’un grand sens et très éclairé par les lumières de la philosophie, qui, étant devenu mélancolique, quoique intimement pénétré de vénération pour l’Être Suprême, ne pouvait,