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ce même objet. Il arrive à l’halluciné la même illusion qu’à celui qui, amputé d’une jambe, rapporte les sensations de douleur qu’il éprouve à sa jambe absente ; l’amputé sent encore invinciblement le membre qu’il n’a plus. La science explique cette espèce d’hallucination en disant qu’en vertu de ce principe formulé par Müller « que nous ne pouvons avoir par l’effet de causes extérieures aucune manière de sentir que nous n’ayons également sans ces causes et par la sensation des états de nos nerfs, » l’excitation automatique, involontaire, qui produit l’hallucination, naît dans l’appareil nerveux lui-même.

Mais comment, où s’opère ce phénomène, principe de l’illusion hallucinatoire ? Il y a sur cette question autant de systèmes que d’expérimentateurs.

Selon les uns, l’hallucination n’est qu’une irritation spéciale de l’organe sensorial externe, spécialement de la rétine, et elle se localise-dans la portion périphérique du système nerveux ; selon d’autres, elle est le résultat de l’irritation morbide des cellules de la couche corticale du cerveau, où seraient localisées l’imagination et la mémoire : Gall, l’inventeur de l’absurde système appelé phrénologie, avait déjà indiqué la circonvolution spéciale, dont le développement considérable entraine, d’après lui, la disposition innée aux visions. Selon d’autres, l’hallucination, résultant de la lésion des parties nerveuses intermédiaires aux organes des sens et au foyer de perception, c’est-à-dire de la lésion des parties cérébrales auxquelles aboutissent directement nos nerfs sensoriaux, réside au sein même de ces parties intermédiaires. Selon Dagonet, l’hallucination est le résultat de l’éréthisme, de l’hypéresthésie de cette partie de l’encéphale, où l’organe des sens prend son origine, à la région des parois ventriculaires qui feraient l’office d’une table de résonnance : les hallucinations de la vue viendraient de l’irritation spéciale des fibres nerveuses qui composent la paroi interne du ventricule moyen ; celles de l’ouïe auraient pour siège les parois du quatrième ventricule. Le docteur Audiffrent attribue les hallucinations à une irritation des ganglions sensitifs placés dans le cerveau.

Le système matérialiste qui semble aujourd’hui le plus en vogue est celui qu’a exposé le docteur Ritti dans sa Théorie physiologique de l’hallucination. D’après lui, les parties constituantes d’un appareil sensorial sont au nombre de trois : l° un organe sensorial externe, chargé de recueillir les impressions venant du dehors ; 2° un nerf qui a pour fonction spéciale de transmettre ces impressions au cerveau, dans les centres de la couche optique où s’opère la transformation du mouvement matériel en mouvement nerveux ; 3° émergeant de ces centres, des fibres nerveuses qui vont s’irradier dans la couche corticale du cerveau, où les impressions sensibles transmises par le nerf deviennent perceptions. Ce sont les fibres blanches cérébrales qui les exportent, et la substance grise des circonvolutions qui les reçoit et les