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Où le lointain adieu des âmes envolées
Dans les cloches du soir s’exhale des vallées,
Tout à coup, sous l’effort d’un élan furibond,
Le taureau menaçant s’est levé d’un seul bond :
De son regard oblique il a fouillé l’espace,
Et, plus impétueux que l’ouragan qui passe,
Il a, sous le galop pressé de ses pas lourds,
Ébranlé sourdement les pentes de velours : —
On eût dit le fracas des neiges entraînées.

Dans le vertige affreux de courses effrénées,
Sa vaste silhouette, ainsi qu’un noir démon,
Passait et repassait à la croupe du mont
Qu’envahissait déjà l’ombre des nuits paisibles.

Parfois, comme entouré d’ennemis invisibles,
Il s’arrêtait soudain, reculait frémissant,
Abaissait son front large, arquait son dos puissant,
Et, déchaînant l’éclat de sa rage insondable,
Recommençait au loin son galop formidable, —
Frappait, frappait le vide et les fantômes vains,
Broyait le sol, lançait les blocs dans les ravins ;
Puis, dans l’enivrement terrible de sa force,
Au sein d’un tourbillon de cailloux et d’écorce,
Éventrant les vieux pins sous ses cornes de fer,
Il jetait dans la nuit des beuglements d’enfer.